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"Aujourd'hui
comme au temps de saint François, on a besoin d'hommes
qui réussissent à renouveler la vie
en communiant à la passion du Christ, d'hommes que l'Esprit
peut utiliser à son gré pour construire le Royaume."
JEAN-PAUL II,
François d'Assise, l'homme de la joie parfaite,
Lettre pour le VIIIe centenaire de sa naissance
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Introduction |
1.
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Dieu parle
encore aujourd'hui dans le coeur des hommes. Notre témoignage
comme moines et prophètes, attentifs au souffle de l'Esprit.
De tout temps,
Dieu a parlé au coeur de l'homme en des mots humains. À
la lumière de la Parole de Dieu, affermis par notre expérience
pratique des dons et charismes de l'Esprit qui se manifestent
avec constance depuis bientôt trente-quatre ans et qui sont
à l'origine de la fondation de la communauté des
Pauvres de Saint-François, nous nous attarderons ici à
traiter, plus particulièrement, du prophète et de
la prophétie, ainsi que du discernement des esprits. Nous
croyons que les Pauvres de Saint-François existent pour
l'annonce de la Bonne Nouvelle, pour proclamer la Parole par leur
vie et par tous les moyens possibles, pour révéler
à tous ceux qui veulent l'entendre et à tous les
autres: Jésus est ressuscité, le Royaume est au
milieu de vous; pour crier avec saint François: l'Amour
n'est pas aimé. Pour y parvenir, nous comptons sur l'Esprit
Saint qui se charge de distribuer gratuitement ses dons et ses
charismes pour les besoins de l'Église. Le présent
écrit porte témoignage de l'agir du Dieu vivant
en notre coeur. C'est une façon de remercier le Seigneur
pour la parole prophétique qu'il nous donne d'entendre
en notre coeur.
En effet,
le Dieu de la foi chrétienne est le Dieu de l'Alliance.
Dieu, se révélant vraiment dans l'histoire des hommes,
prend forme humaine, et parle le langage humain; ce sont des mots
humains qui expriment sa parole. Comme chrétiens, nous
croyons que cette histoire a trouvé son couronnement en
Jésus Christ: il est le Verbe fait chair. En lui, les hommes
peuvent reconnaître la gloire de Dieu.
Cette histoire
de Dieu avec les hommes se poursuit encore aujourd'hui. Derrière
les événements de notre vie se dessine l'histoire
du salut, car Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés
et parviennent à la connaissance de la vérité»
(1 Tm 2, 4). Ainsi, comme chrétiens, nous avons cette certitude
que Dieu ne reste pas muet; il est présent aux hommes,
il leur parle, il se montre, il se révèle au coeur
de la vie quotidienne.
Mais Dieu
ne parle pas seulement de manière extérieure. Lui
qui a fait nos esprits et nos coeurs parle aussi en nous. À
ceux qu'il appelle à la vie en abondance, le Seigneur donne
une lumière telle qu'ils peuvent reconnaître avec
certitude que c'est bien lui qui les appelle.
Cependant,
afin d'aborder sereinement et sans préjugés les
diverses manifestations de l'Esprit dans l'Église du temps
présent ««1»»,
il convient de présenter brièvement ce que l'Église
enseigne sur les divines Écritures et d'incliner notre
coeur à y adhérer pleinement dans la foi. (HAUT)
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I
- Une expérience spirituelle enracinée dans le grand
courant de la Tradition de l'Église |
2.
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Dieu se
révèle.
Le Dieu des
chrétiens est le Dieu qui s'est fait connaître à
son peuple et qui a fait alliance avec lui. Cette révélation
««2»» a eu lieu au
sein de l'histoire concrète des hommes. Car Dieu s'est
d'abord révélé dans l'histoire d'Israël
où lui-même a agi et parlé «par les
prophètes, à maintes reprises et sous maintes formes»
(He 1, 1). La venue du Christ Jésus, sa vie, sa mort et
sa résurrection marquent l'accomplissement de l'histoire
d'Israël comme histoire du salut. En lui, Dieu nous est définitivement
révélé comme notre salut et notre espérance.
««3»»
Jésus
Christ est la Parole unique, parfaite expression de la
Pensée du Père. On ne trouve pas Dieu pleinement
sans le Christ! On n'accède pas à la plénitude
du Christ sans l'Église!
Dès
les origines, les chrétiens se sont efforcés de
traduire leur foi en de courtes propositions. Ils disaient par
exemple: «Jésus est le Christ». Cela
revenait à déclarer: nous croyons que Jésus
est le Messie promis par Dieu, celui qui a reçu en plénitude
l'Esprit Saint et qui est le Sauveur des hommes.
Autre forme
de profession de foi: «Jésus est le Seigneur»,
lui et non pas un autre. Et, lors des persécutions des
premiers siècles, les croyants marchaient à la mort
plutôt que de renier cette confession: ils étaient
témoins (martyrs) jusqu'à la mort.
Par la suite,
toujours à coup de petites phrases, les chrétiens
ont cherché à donner une synthèse de leur
croyance. Parmi les formules créées, le Symbole
des apôtres reste la plus usitée. Ainsi se constituait
petit à petit la révélation.
La révélation
du Christ Jésus s'est répandue par des hommes qui
l'ont apprise à d'autres hommes, qui à leur tour
la communiquèrent à d'autres encore. Et la révélation
a continué à se maintenir et à cheminer de
bouche à oreille grâce au contact des hommes les
uns avec les autres. (HAUT)
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La Tradition
est un processus dynamique.
Cette transmission
de la Parole, au long des âges, du temps et des générations,
à travers les divers pays, dans la continuité et
l'unité, voilà ce qu'on appelle la Tradition. ««4»»
C'est-à-dire, ce qui se transmet d'homme à homme,
de groupe à groupe, de génération à
génération. Cette fonction active du souvenir en
train de se transmettre constitue l'essentiel de la condition
humaine. Ce moyen naturel et fondamental de la communication entre
les hommes et de la transmission de leur enseignement les uns
aux autres, Dieu s'en est servi pour se faire connaître
au peuple qu'il s'était donné, et il en a fait un
chemin de ses venues et de ses révélations. Car
Dieu ne méprise pas ce qu'il a créé.
Guidée
par l'Esprit de Dieu même, cette transmission de témoignages
devient un appui solide, un chemin assuré, une voie de
la vérité révélée dans l'histoire.
Tel est l'engagement pris par l'Église de transmettre le
mystère du Christ et l'ensemble de son enseignement qu'elle
conserve dans sa mémoire. Ainsi, la Tradition demeure cette
grande activité de l'Église où chacun doit
avoir sa place et être en liaison avec les autres.
La Tradition
est l'activité même de l'Esprit Saint dans l'Église.
««5»» Grâce à
l'Esprit, en effet, la Tradition, tout en demeurant dans la continuité
et la fidélité, est toujours en route, elle progresse,
et elle avance. De fait, la mémoire de l'Église
croît à mesure que l'Église grandit.
La Tradition,
à quelque époque que ce soit et dans la variété
de ses manifestations, forme un ensemble homogène. Toutes
les vérités s'y tiennent comme en un tout vivant
et organique; mais pour être énoncées, communicables
aux hommes, il faut qu'elles soient formulées séparément.
De là, les diverses affirmations du Credo de l'Église,
les déclarations successives du Magistère de l'Église.
On ne peut
formuler les vérités de la foi que par parties.
Mais la foi en chaque vérité exprimée suppose
l'adhésion à l'ensemble de toute la révélation
originelle, contenue indissociablement dans la foi entière
de l'Église. La vérité concernant les Saintes
Écritures est de cette sorte: elles font partie intégrante
de tout ce que croit et enseigne l'Église, elles sont incluses
à l'intérieur de la Tradition sacrée.(HAUT)
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Antérieurement
aux Écritures: la Tradition.
Que la Tradition
soit antérieure aux Saintes Écritures, c'est une
évidence de l'histoire. Le peuple de Dieu n'a pas toujours
eu une Bible. Peuple appelé et interpellé par Dieu,
par son Esprit de vérité, il pouvait subsister comme
tel, dans sa vocation et pour sa mission, sans avoir de livre
inspiré.
L'histoire
l'atteste, il en fut ainsi longtemps. Israël n'a pas commencé
par écrire, et pendant des siècles, il n'a pas eu
d'Ancien Testament écrit. Jésus lui-même n'a
pas laissé d'écrits. Ses premiers disciples et apôtres
n'ont guère écrit tout de suite. L'Église
chrétienne a d'abord vécu et grandi sans Nouveau
Testament.
La communauté
des croyants, autrement dit l'Église, exista bien avant
le livre que nous appelons Nouveau Testament, tout comme Israël
précéda le livre que nous nommons Ancien Testament.
Il n'y aurait pas de Bible si le peuple de Dieu de l'ancienne
et de la nouvelle Alliance n'avait veillé à maintenir
le souvenir des hauts faits de Dieu.
Ces grandes
oeuvres de Dieu trouvent leur accomplissement dans le Christ,
Verbe fait chair, «le Médiateur et la plénitude
de toute la Révélation». ««6»»
L'Écriture Sainte renvoie donc elle-même à
une réalité qui la déborde, et qui est l'histoire
même de Dieu et de son oeuvre.
Le peuple
de Dieu a ainsi préexisté à son Livre Saint.
Et sa Tradition, c'est-à-dire les enseignements reçus,
ses expériences, son savoir, sa mémoire collective,
sa sagesse, sa foi et sa piété, sa vie même
s'exprimant et se communiquant, s'est élaborée d'abord
sans le moyen des Écritures mais sous le souffle de l'Esprit
Saint.
De même,
l'Église vivante, la communauté des fidèles
en marche sous la conduite de l'Esprit Saint ne dépend
pas de l'Écriture en son origine. La Tradition apostolique,
en effet, a été première dans l'Église
pour dire la révélation du Christ. Si la Bible est
reconnue comme le Livre Saint, la Parole de Dieu, c'est parce
que la Tradition portée par le peuple de Dieu a discerné
comme inspirés un certain nombre d'écrits et les
a reconnus comme authentiques (sacrés et canoniques), répudiant
tous les livres apocryphes. Le dernier Concile déclarait:
Ce
n'est pas par la Sainte Écriture toute seule que l'Église
puise sa certitude sur tout ce qui est révélé
L'Écriture et la Tradition doivent être reçues
et vénérées l'une et l'autre avec un égal
sentiment de piété, avec un égal respect.
««7»»
Le peuple
de Dieu, dans une adhésion commune, accueille la Parole
de Dieu, «non comme une parole d'hommes, mais comme ce qu'elle
est réellement: la Parole de Dieu» (1 Th 2, 13);
aussi est-elle au-dessus de toute parole humaine, de tout texte
et de toute littérature. De même, le peuple de Dieu
se nourrit de la riche Tradition qui vient des Apôtres et
qui s'est développée en lui au long des âges
par le fait de l'Esprit Saint, et qui s'exprime de toutes sortes
de façons: par la bouche des prédicateurs, par les
enseignements des maîtres de la vie spirituelle, par les
exemples pratiques de la vie des saints, par la liturgie, etc.
Avec cet instinct
profond qui lui fait reconnaître l'Esprit de Dieu à
travers l'enseignement magistériel de l'Église,
le peuple de Dieu accueille cet enseignement comme étant
celui du Christ lui-même, car lui-même a dit: «Qui
vous écoute m'écoute. Qui vous rejette me rejette.
Et qui me rejette, rejette celui qui m'a envoyé»
(Lc 10, 16), conférant ainsi son autorité à
la parole de ses apôtres et de leurs successeurs. Et comme
la
charge d'interpréter authentiquement la Parole de Dieu
écrite (la Bible) ou transmise (la Tradition)
a été confiée au seul Magistère
de l'Église (
), il s'ensuit que Tradition,
Écriture et Magistère sont entre eux tellement
liés et associés qu'aucun d'eux n'a de consistance
sans les autres...
««8»»
(HAUT)
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«Toute
Écriture est inspirée de Dieu».
Dans la Constitution
dogmatique sur la Révélation divine ««9»»
de Vatican II, l'Église universelle est venue nous rappeler
le vrai sens de la foi en la Parole de Dieu. Parlant de l'inspiration
de la Sainte Écriture, voici ce qu'affirme ce document
conciliaire:
Ce
qui a été divinement révélé,
et qui est contenu et exposé dans la Sainte Écriture,
a été consigné sous l'inspiration du Saint-Esprit.
Les
livres entiers tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, avec
toutes leurs parties, la Sainte Mère Église les
tient, en vertu de la foi reçue des Apôtres, pour
saints et canoniques, parce que, composés sous l'inspiration
du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur, et ont été
transmis comme tels à l'Église elle-même.
Pour
la rédaction des livres saints, Dieu a choisi des hommes;
il les a employés en leur laissant l'usage de leurs facultés
et de toutes leurs ressources, pour que, Lui-même agissant
en eux et par eux, ils transmettent par écrit, en auteurs
véritables, tout ce qu'Il voulait, et cela seulement.
Puis
donc qu'on doit maintenir comme affirmé par le Saint-Esprit
tout ce qu'affirment les auteurs inspirés ou hagiographes,
il s'ensuit qu'on doit confesser que les livres de l'Écriture
enseignent nettement, fidèlement et sans erreur, la vérité
telle que Dieu, en vue de notre salut, a voulu qu'elle fût
consignée dans les Saintes Lettres. C'est pourquoi «toute
Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner,
réfuter, redresser, former à la justice: l'homme
de Dieu peut ainsi se trouver accompli, équipé
pour toute bonne oeuvre» (2 Tm 3, 16-17).
««10»»
Appuyés
solidement sur la véracité de la Parole de Dieu
telle qu'enseignée par l'Église, et que tout croyant,
en fils obéissant, doit accueillir joyeusement dans la
foi, nous vous invitons à regarder sans préjugés
l'expérience acquise au sein de la communauté des
Pauvres de Saint-François dans l'exercice des dons de prophétie
et de discernement des esprits. Cette expérience est en
soi une merveille de Dieu, un signe des temps que le Seigneur
Jésus fait à son peuple, à son Église.
De telles manifestations dites prophétiques existaient
déjà dans l'Église primitive et elles sont
même décrites dans les Écritures, en particulier
chez saint Paul dans sa première épître aux
Corinthiens. (HAUT)
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Notre
humble apport à la Tradition vivante de l'Église.
Nous croyons
que cet apprentissage de toutes ces années ««11»»
dans ce domaine précis de la pratique des dons de prophétie
et de discernement, peut très bien faire partie de ce qu'on
appelle la Tradition de l'Église, la Parole de Dieu ayant
été reçue et crue puis mise en exercice sous
la mouvance de l'Esprit Saint, en particulier les enseignements
de l'Apôtre sur les dons spirituels. ««12»»
Et bien que la prophétie ne vienne pas compléter
la Révélation définitive du Christ qui nous
a été transmise par nos devanciers, elle l'explicite
et aide à vivre plus pleinement la Parole de Dieu.
En effet,
nous pouvons dire qu'à travers la Tradition se continue
l'exercice du don de prophétie qui rend présent
à son peuple le Dieu vivant. Par sa sollicitude continuelle
et les dons de sa grâce, celui-ci permet donc aux hommes
de le reconnaître et de l'aimer, lui, ainsi que la Bonne
Nouvelle de l'Évangile.
Dans la plus
ancienne lettre de saint Paul, la première épître
aux Thessaloniciens, nous lisons: «N'éteignez pas
l'Esprit, ne dépréciez pas les dons de prophétie,
mais vérifiez tout: ce qui est bon, retenez-le» (1
Th 5, 19-21). C'est dans le sillage de cette exhortation, de ce
commandement de l'Apôtre que s'inscrivent tant d'années
de vie communautaire au service de Jésus Christ sauveur.
(HAUT)
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L'Esprit
de prophétie, témoignage de Jésus.
«Je
suis venu apporter le feu sur la terre, et comme je voudrais qu'il
soit déjà allumé!» (Lc 12, 49). Nul
doute que Jésus «parlait de l'Esprit que devaient
recevoir ceux qui croient en lui» (Jn 7, 39). Conçu
lui-même de l'Esprit Saint, ayant accompli en sa personne
l'oeuvre de la rémission des péchés, «ce
Jésus, Dieu l'a ressuscité
Et maintenant,
exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père
l'Esprit Saint, objet de la promesse, et il l'a répandu
comme un feu» (Ac 2, 32-33, 3). L'Esprit répandu
sur la terre, voilà le grand signe des temps donné
par Dieu au monde pour lui rappeler son origine et sa fin dernière.
C'est précisément
ce que saint Pierre proclame au peuple rassemblé devant
le Cénacle au matin de la Pentecôte. Devant tous
ces gens éberlués par la manifestation prodigieuse
de l'Esprit répandu sur les Apôtres,
Pierre,
debout avec les Onze, éleva la voix et leur adressa ces
mots: «Hommes de Judée et vous tous qui résidez
à Jérusalem, comprenez ce qui se passe aujourd'hui,
prêtez l'oreille à mes paroles
Ce qui arrive,
c'est ce que Dieu avait dit par le prophète Joël:
"Il se fera dans les derniers jours, dit le Seigneur, que
je répandrai mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils
et vos filles prophétiseront et vos vieillards auront
des songes. Et moi, sur mes serviteurs et mes servantes, je
répandrai mon Esprit. Le soleil se changera en ténèbres
et la lune en sang avant que vienne le Jour du Seigneur, ce
grand Jour. Et quiconque alors invoquera le nom du Seigneur
sera sauvé". (
) C'est là ce que vous
voyez et entendez» (Ac 2, 14-21, 33c).
C'est donc
lui, l'Esprit, qui est le grand signe des temps: Esprit de prophétie,
Esprit qui fait parler et qui veut parler, Esprit qui a été
répandu sur l'Église, tel que prédit par
le prophète Joël, et qui donne à l'Église
la force et l'audace
d'annoncer
le Christ, avertissant tout homme et instruisant tout homme
en toute sagesse afin de rendre tout homme parfait dans le Christ
Car Dieu fait maintenant savoir aux hommes d'avoir tous et partout
à se repentir, à se convertir, parce qu'il a fixé
un Jour pour juger l'univers avec justice, par un homme qu'il
y a destiné, offrant à tous une garantie en le
ressuscitant des morts (Col 1, 28; Ac 17, 30-31).
Le grand signe
des temps, c'est l'Esprit Saint à l'oeuvre dans le monde,
Esprit de prophétie aux multiples opérations qui
se manifeste par des merveilles et des prodiges de toutes sortes!
Cet agir de l'Esprit Saint traverse le temps de l'Église
depuis le matin de la Pentecôte et il est toujours présent,
surtout dans les moments les plus critiques de son histoire. Le
Christ Jésus lui-même en a fait la promesse à
ses apôtres: «Mais le Paraclet, l'Esprit Saint que
le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous
rappellera tout ce que je vous ai dit» (Jn 14, 26). Et encore:
«Ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre
Père qui parlera en vous» (Mt 10, 20).
Ainsi, dans
sa prévoyance du salut des hommes, Dieu, dans son infinie
sagesse, se réserve le droit d'intervenir directement,
par les charismes, certainement par le don de prophétie,
dans l'Église d'abord, pour la rendre «toute resplendissante,
sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et irréprochable»
(Ep 5, 27); et dans le monde pour appeler tout homme à
rentrer à la Maison.
Le prophète
est celui qui voit le signe des temps, l'Esprit à
l'oeuvre: il en témoigne, il en vit et il cède à
sa mouvance. Et tout compte fait, son message doit être
le même que celui de Jésus, que celui de Jean-Baptiste:
«Convertissez-vous
et croyez à la Bonne Nouvelle! Convertissez-vous, car
le Royaume des cieux est proche, il est arrivé pour vous,
il est parmi vous, il est en vous! Purifiez vos mains, pécheurs,
sanctifiez-vous, gens à l'âme partagée!
L'aspect de la terre et du ciel, vous savez le juger; mais le
temps où nous sommes, pourquoi ne savez-vous pas le juger?».
««13»»
Le discours
de saint Pierre au matin de la Pentecôte est toujours actuel.
Il nous donne l'heure juste pour reconnaître que les temps
où nous sommes sont «les derniers» (Ac 2, 17),
«les derniers jours» avant «le grand Jour du
Seigneur» (Ac 2, 20; Jl 3, 4), le jour de son Retour dans
la gloire sur les nuées du ciel, ce Retour qui est imminent,
et qui sera précédé de jours d'épreuves
et de ténèbres, «car il vient, le Seigneur,
pour juger la terre; il jugera le monde en justice et les peuples
en sa vérité (Ps 95, 13) ... Et les hommes verront
le Salut de Dieu» (Lc 3, 6; Is 40, 5).
En parlant
sous le souffle de l'Esprit Saint, le prophète nous conduit
à ce chemin sûr qu'est le Christ Jésus et
il interprète à la lumière de la foi les
signes des temps, les signes qui nous font reconnaître
que l'Aurore est proche! Car, «en ces temps qui sont les
derniers» (He 1, 2), nous veillons dans la foi, dans l'attente
où nous sommes de la Venue du Seigneur sur les nuées.
La parole
prophétique bien accueillie communique la grâce de
reconnaître la présence du Christ en tout temps et
dans le temps conformément à sa promesse: «Je
suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde»
(Mt 28, 20). Jésus entretient en nous l'espérance
de son Retour glorieux et nous donne l'interprétation juste
des signes qui nous montrent que «la nuit est avancée
et le Jour, tout proche» (Rm 13, 12). (HAUT)
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II
- Le prophète et les dons de prophétie |
8.
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L'Esprit
de prophétie: ses diversités d'opérations.
Nous trouvons
dans l'épître de saint Paul aux Thessaloniciens cette
expression: «
les dons de prophétie» (1
Th 5, 20). Voilà pourquoi nous pouvons dire que le don
de prophétie communiqué par l'Esprit Saint aux membres
de l'Église est un don aux multiples facettes, diversifié
dans ses opérations.
Dans sa première
épître aux Corinthiens, le même saint Paul
ne manque pas de nous faire connaître cette manifestation
de l'Esprit en vue du bien commun dans la diversité des
dons, la diversité des services et la diversité
des activités, l'Esprit étant unique et le même,
opérant tout cela, distribuant à chacun ses dons
comme il le veut: à chacun la manifestation de l'Esprit
est donnée en vue du bien commun. ««14»»
Et il écrit aux Romains: «À plusieurs nous
ne formons qu'un seul corps dans le Christ, mais pourvus de dons
différents
» (Rm 12, 5-6).
À la
diversité des services à rendre et des fonctions
à remplir dans l'Église, Corps du Christ, correspond
la diversité de l'action de Dieu qui permet de les exercer
comme il convient. Saint Paul l'a remarquablement expliqué
dans son épître aux Corinthiens: en vue de l'utilité
de tous, l'Esprit de Dieu dispense, selon les cas et les besoins,
la parole de sagesse, la parole de connaissance, la foi qui est
fidélité et «communications d'Esprit Saint
««15»»», le don
de guérison, les pouvoirs d'accomplir des actions puissantes
comme les miracles, la prédication, les dons de prophétie,
le discernement des esprits qui animent les uns et les autres,
le don des langues et son interprétation
««16»»
Souvent, chez l'Apôtre des nations, est associé au
don de prophétie le mystérieux parler en langues
accompli sous le souffle de l'Esprit de Dieu ««17»».
Du reste, parmi les miracles qui accompagneront ceux qui auront
cru, saint Marc souligne le parler en langues ««18»».
Toutes ces différentes manifestations de l'Esprit viennent
magnifiquement au secours de l'Église et de l'évangélisation.
Le don de
prophétie est un don aux multiples facettes! Voilà
bien pourquoi saint Paul peut parler «des dons de prophétie»!
Parmi «ces dons» de prophétie se trouve le
don de prophétie proprement dit ou don de la parole prophétique:
c'est dans ce sens plus restrictif que l'on parle ordinairement
de la prophétie. (HAUT)
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La prophétie,
un don fait à l'Église.
Les ministères
dans l'Église sont soutenus par des dons faits par le Christ
Jésus lui-même. En effet,
monté
au-dessus de tous les cieux afin de remplir toutes choses, c'est
Lui encore qui a donné aux uns d'être apôtres,
à d'autres d'être prophètes ou encore évangélistes
ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour
l'oeuvre du ministère, en vue de la construction du Corps
du Christ, au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble,
à ne faire plus qu'un dans la foi et la connaissance
du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans
la force de l'âge, qui réalise la plénitude
du Christ
Car la construction que vous êtes a pour
fondation les apôtres et les prophètes, et pour
pierre d'angle le Christ Jésus lui-même (Ep 4,
8-13; 2, 20).
L'Église,
Corps du Christ, est donc fondée sur les apôtres
et sur les prophètes. Par «apôtres»,
on pensait autrefois qu'il fallait entendre «les douze apôtres»,
et par «prophètes», ceux de l'Ancien Testament.
L'exégèse moderne nous dit que le concept d'«apôtre»
doit être entendu en un sens plus large, et celui de «prophète»
doit être rapporté aux prophètes dans l'Église.
Cet espace prophétique dans l'Église est éminemment
celui dans lequel Dieu se réserve d'intervenir en personne,
et de prendre l'initiative de nouveau à chaque fois. La
prophétie devrait toujours être reconnue dans le
collège apostolique, tout comme les apôtres étaient
aussi, à leur façon, des prophètes, des envoyés
et des hérauts du Très-Haut.
Dieu se réserve
donc le droit d'intervenir directement en son Église par
les charismes pour la réveiller, l'avertir, la promouvoir
et la sanctifier. Le charisme de prophète traverse le temps
de l'Église comme en témoigne avec une richesse
infiniment variée la vie des saints et des pasteurs qui
l'ont gouvernée, car l'Église a reçu à
toutes les époques de son histoire ce don, ce charisme
de prophétie absolument nécessaire à sa croissance
et à son épanouissement. (HAUT)
|
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Dans le
corps du Christ qu'est l'Église, «les pieds»
symbolisent les envoyés, les prophètes!
Pour favoriser
l'exercice des charismes dans l'Église et découvrir
la fonction qu'ils remplissent dans l'évangélisation,
il est essentiel d'entrer dans le mystère du Corps du Christ
qu'est l'Église, tel que décrit par saint Paul en
sa première épître aux Corinthiens:
Mais
de fait, Dieu a placé les membres et chacun d'eux dans
le corps selon qu'il l'a voulu. Si le tout était un seul
membre, où serait le corps? Mais de fait, il y a plusieurs
membres et cependant un seul corps. L'oeil ne peut donc dire
à la main: «Je n'ai pas besoin de toi», ni
la tête à son tour dire aux pieds: «Je n'ai
pas besoin de vous» ( 1 Co 12, 18-21).
Il est bien
évident que les membres sont rattachés au corps
et qu'à ce corps, il faut une tête visible. Car,
c'est bien par la tête qu'est conduit tout le corps et non
l'inverse. Cependant, la tête a besoin du corps et de tous
ses membres. La tête ne peut donc dire aux pieds: «Je
n'ai pas besoin de vous, vous n'êtes pas nécessaires
à la bonne marche du corps».
Les pieds,
ne serait-ce pas ceux qui sont envoyés et qui prêchent
le Christ selon cette belle parole d'Isaïe reprise par saint
Paul: «Qu'ils sont beaux les pieds des messagers de bonnes
nouvelles, qui annoncent la paix, qui apportent le bonheur, qui
annoncent le salut»? (Is 52, 7; Rm 10, 15). C'est pourquoi
saint Paul pose cette question:
Comment
prêcher sans être d'abord envoyé? selon le
mot de l'Écriture: «Qu'ils sont beaux les pieds
des messagers de bonnes nouvelles!» Mais tous n'ont pas
obéi à la Bonne Nouvelle. Car Isaïe l'a dit:
«Seigneur, qui a cru à notre prédication?»
Ainsi la foi naît de la prédication et de cette
prédication la Parole du Christ, la Parole de Dieu est
l'instrument (Rm 10, 15-17).
Ainsi appuyés
sur l'Écriture, force est d'admettre que celui qui est
envoyé et qui prêche, celui qui parle au nom de Dieu,
celui qui a mission de prophète dans le Corps du Christ
qu'est l'Église est identifié, est signifié,
symbolisé par «les pieds». L'Écriture
les déclare «beaux, porteurs de bonnes nouvelles»
(Is 52, 7; Rm 10, 15). Ce sont ces messagers qui permettent, par
la prédication de la Parole, de faire naître à
la vie de foi, de semer la foi, de pousser l'homme à invoquer
le Christ et à l'écouter parler à travers
un homme, un envoyé.
En effet,
«comment invoquer le Seigneur sans d'abord croire en lui?
Et comment croire sans d'abord l'entendre? Et comment entendre
sans prédicateur?» (Rm 10, 14). Ainsi donc, la prédication
est nécessaire, irremplaçable même. Les techniques
modernes, si performantes qu'elles soient, ne peuvent remplacer
la prédication. Le Pape Paul VI écrivait: «Même
portée par la technique à une extraordinaire puissance
par la presse et les moyens audiovisuels, aucune forme de diffusion
de la pensée ne remplace la prédication ««19»»».
Oui, dans
le Corps du Christ qu'est l'Église, les pieds font penser
aux prophètes, ces envoyés de Dieu, souvent dérangeants,
gênants et encombrants à cause de leur langage de
vérité. En eux, c'est l'amour et la vérité
qui se rencontrent ««20»».
Ces pieds, hélas! on ne sait où les mettre et on
ne sait comment ils s'articulent avec le reste du corps lorsqu'on
les voit et les regarde comme détachés du reste
du corps, lorsqu'on les considère comme ne faisant pas
partie du corps. Et pourtant, les pieds font partie du tout, ils
sont membres à part entière du corps et sont absolument
nécessaires à la tenue du corps. Une tête
ne peut ignorer ses pieds et leur dire: «Je n'ai pas besoin
de vous», car Dieu les a vraiment voulus comme membres de
tout le corps et même, c'est dans le plan et le dessein
de Dieu que la tête prenne soin de ses pieds comme de tous
les autres membres du corps. (HAUT)
|
|
«Puisse
tout le peuple de Yahvé être prophète.»
Saint Paul,
lui qui avait l'expérience des dons de l'Esprit Saint et
connaissait son agir, ose prescrire sous le souffle de ce même
Esprit cette injonction: «Recherchez la charité;
aspirez aussi aux dons spirituels, surtout à celui de prophétie...
Celui qui prophétise parle aux hommes; il édifie,
exhorte, console
il édifie l'assemblée»
(1 Co 14, 1-5). La parole prophétique est une manifestation
authentique de la charité dans le peuple de Dieu puisqu'elle
édifie, exhorte, console. Elle contribue à édifier
la foi, l'espérance et la charité dans les coeurs;
elle encourage, avertit et corrige les défaillants; enfin,
elle console et réconforte ceux qui n'en peuvent plus.
Bien avant
saint Paul, Moïse avait exprimé le souhait, le désir
que tous soient habités par le souffle puissant de l'Esprit
Saint: «Ah! puisse tout le peuple de Yahvé être
prophète, Yahvé leur donnant son Esprit» (Nb
11, 29).
Et même
dans la bouche du petit prophète Joël, nous retrouvons
cette belle promesse de Dieu: «Je répandrai mon Esprit
sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront,
vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions»
(Jl 3, 1).
Nous devons
garder à l'esprit que la prophétie ne signifie pas
d'abord prédire l'avenir. Mais, avant tout, elle est là
pour indiquer, manifester, découvrir, expliquer ou expliciter
la volonté de Dieu pour le présent et donc montrer
la voie droite pour et vers l'avenir. Le prophète, en communiquant
la révélation qu'il reçoit de l'Esprit, vient
fortifier la volonté de l'homme dans la pratique du bien
et illuminer sa pensée afin de rendre évidente la
volonté de Dieu à accomplir pour le présent
comme pour l'avenir. Ainsi, la prophétie vient aider à
mieux vivre et à accomplir plus pleinement l'Évangile
au temps présent.
Ce qui est
essentiel, c'est l'exercice pratique et vivant de ce don de prophétie
animé par l'esprit de foi. Saint Paul dit avec le psalmiste:
"J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé" (2 Co 4,
13), c'est-à-dire: c'est pourquoi j'ai porté témoignage
au Christ, j'ai prêché sous l'action de l'Esprit
Saint. Et ailleurs: "Ce qui importe, c'est la foi agissant
par la charité" (Ga 5, 6). Les dons spirituels que
Dieu nous a faits et qu'il nous a donné de connaître
par son Esprit (1 Co 2, 12), encore nous faut-il les rendre agissants
et opérants dans l'Église, et cela à cause
de "la charité
en vue du bien commun
de
manière à édifier" le Corps tout entier
(Ga 5, 6; 1 Co 12, 7; 14, 26). Il n'est pas permis au disciple
du Christ de les tenir cachés sous le boisseau ou enfouis
dans la terre. (HAUT)
|
12. |
Le droit
et le devoir d'exercer les dons de l'Esprit.
Désireux
de rendre plus intense l'activité apostolique du peuple
de Dieu, le concile Vatican II a rappelé à tous
les chrétiens leur droit et leur devoir d'être apôtres
dans le monde à la manière d'un ferment. Voici ce
que nous lisons dans le décret sur l'apostolat des laïcs:
À
tous les chrétiens donc incombe la très belle
tâche de travailler sans cesse pour faire connaître
et accepter le message divin du salut par tous les hommes sur
toute la terre.
Pour l'exercice de cet apostolat, le Saint-Esprit qui sanctifie
le Peuple de Dieu par les Sacrements et le ministère
accorde en outre aux fidèles des dons particuliers (cf.
1 Co 12, 7), les "répartissant à chacun comme
il l'entend" (cf 1 Co 12, 11) pour que tous et "chacun
selon la grâce reçue se mettant au service des
autres" soient eux-mêmes "comme de bons intendants
de la grâce multiforme de Dieu" (1 P 4, 10), en vue
de l'édification du Corps tout entier dans la Charité
(cf. Ep 4, 16). De la réception de ces charismes même
les plus simples résultent pour chacun des croyants le
droit et le devoir d'exercer ces dons dans l'Église et
dans le monde, pour le bien des hommes et l'édification
de l'Église, dans la liberté du Saint-Esprit qui
"souffle où il veut" (Jn 3, 8), de même
qu'en communion avec ses frères dans le Christ et très
particulièrement avec ses pasteurs ««21»».
Il est d'une
importance capitale pour le dynamisme de l'évangélisation
que les dons de l'Esprit soient exercés dans l'Église,
et "surtout celui de prophétie", comme nous dit
saint Paul, ce don par lequel "Dieu parle aux hommes
pour les instruire et les encourager
et pour édifier
la foi dans les curs" (1 Co 14, 3, 4b et 31b, 24-25;
Rm 10, 17).
La prophétie s'avère donc une aide précieuse
et efficace pour vivre notre foi puisque, venant actualiser la
Parole de Dieu, l'unique Révélation, elle oriente
le cur de l'homme en profondeur vers le Christ Jésus
lui-même et sa Parole. La parole prophétique se manifeste
crédible précisément parce qu'elle nous conduit
à l'unique Révélation publique, le Christ
Jésus lui-même, et à une obéissance
amoureuse à notre sainte Mère l'Église.
La prophétie ne vient pas compléter la Révélation
rendue maintenant définitive avec le Christ Jésus,
mais elle vient l'expliciter. Même si la Révélation
biblique est achevée, elle n'est pas complètement
explicitée. C'est le rôle de l'Esprit Saint de nous
donner de rendre témoignage au Christ d'une façon
toujours nouvelle et de nous conduire à la Vérité
tout entière.
Une ancienne tradition des Pères de l'Église qualifie
la Vierge Marie de prophétesse. Ce titre de prophétesse
est judicieux. En effet, c'est en Marie que se définit
ce qu'est précisément la prophétie, à
savoir cette capacité intime d'écoute, de percevoir,
de sentir le Verbe de vie habitant en soi et de le porter au monde.
Elle demeure le modèle de tout vrai prophète qui
veut porter la parole, le Verbe de vie, à l'Église.
(HAUT)
|
|
Les prophètes:
des serviteurs, soumis à la Parole de Dieu et à
l'Église.
Vatican II
s'exprime ainsi:
Unique
est l'Esprit, qui distribue ses dons à la mesure de sa
richesse et suivant les besoins des ministères, au profit
de l'Église (1 Co 12, 1-11). Parmi ces dons vient en
tête la grâce des Apôtres, à l'autorité
desquels l'Esprit lui-même soumet ceux qui ont reçu
des charismes
««22»».
C'est qu'il
a plu à Dieu d'établir une hiérarchie dans
les dons et ministères pour le bon fonctionnement du Corps
du Christ, l'Église. En effet, «dans l'Église,
il en est que Dieu a établis premièrement comme
apôtres, deuxièmement comme prophètes, troisièmement
comme docteurs
Puis ce sont les miracles, puis le don de
guérir, d'assister, de gouverner, les diversités
de langues» (1 Co 12, 28). Il est clair que ceux qui ont
reçu des charismes se doivent d'être soumis entre
eux pour le plus grand bien du corps, selon ce que dit l'Apôtre:
«Les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes,
car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix»
(1 Co 14, 32-33).
Le don de
prophétie doit être vérifié par l'Église,
examiné et discerné par elle. Mais elle ne peut
en aucun cas déprécier ce don selon l'avertissement
de l'Apôtre: «N'éteignez pas l'Esprit, ne dépréciez
pas les dons de prophétie; mais vérifiez tout: ce
qui est bon, retenez-le» (1 Th 5, 19-21).
La vraie prophétie
doit être en conformité avec les Écritures
et avec ce qu'enseigne notre Mère l'Église afin
que cette parole de l'Esprit devienne nourriture pour la foi,
l'espérance et la charité, vertus nécessaires
qui sont pour tous la voie permanente conduisant au salut en Jésus
Christ.
Lorsque la
prophétie nous éloigne si peu soit-il des Saintes
Écritures, de l'enseignement de l'Église, elle prend
malheureusement des allures de liberté et d'indépendance
face à l'Évangile et à l'interprétation
qu'en fait la sainte Église. Et lorsque la prophétie
se présente ainsi comme meilleure et plus importante que
l'Évangile et l'enseignement de l'Église dans son
dessein de salut, alors, nous pouvons être assurés
et certains que cette parole prononcée ou écrite,
même si on la dit prophétique, ne vient pas de l'Esprit
Saint qui, lui, nous guide toujours à l'intérieur
de l'Évangile et de l'Église, et non en dehors d'eux.
(HAUT)
|
|
III
- Qu'est-ce donc que prophétiser? |
14.
|
Parler
sous le souffle de l'Esprit Saint.
Prophétiser,
c'est parler au nom du Seigneur, c'est révéler aux
autres hommes une parole qui ne vient pas de l'esprit de l'homme,
mais qui provient comme de la bouche même du Très-Haut.
Prophétiser,
c'est parler avec cette certitude que c'est bien l'Esprit du Dieu
vivant qui dépose sur les lèvres de son envoyé
ce qu'il veut dire et annoncer pour la conversion de son peuple.
Certes, l'Esprit Saint se sert des facultés et de la forme
du prophète qui parle en des mots humains selon sa langue,
sa culture, sa région, son époque, quoiqu'il puisse
lui donner des expressions dont il ne connaît nullement
le sens. C'est en patois que la «Dame» s'adresse
à Bernadette Soubirous. «Que soy era Immaculada
Councepciou ««23»»»,
répète la petite paysanne sur le chemin du retour
pour ne pas oublier une appellation dont elle ne pouvait connaître
et encore moins comprendre le sens.
Prophétiser
n'est pas compliqué. C'est parler sous le souffle, sous
l'action de l'Esprit Saint. Nous n'avons pas à douter de
l'agir de l'Esprit Saint en nous ni chercher à tout comprendre
uniquement par notre intelligence. Nous devons être audacieux
dans la foi et nous faire un coeur tout petit et humble qui a
souci de vivre de la foi en la Parole de Dieu. En agissant ainsi,
il nous sera possible de distinguer la parole prophétique
arrivant au fond de notre coeur comme un souffle léger;
ce sera comme une inspiration suivie de mots qui se font entendre
«aux oreilles du coeur».
La prophétie,
c'est le moyen dont le Seigneur se sert pour se révéler
au coeur de l'homme et lui parler, cela indépendamment
de ses connaissances et de ses études. Le don de prophétie
n'est surtout pas le fruit d'une réflexion de l'homme,
ou de la décision de sa volonté humaine, ou encore
de son expérience enfouie dans sa mémoire et son
imagination, mais c'est l'accomplissement d'un acte de foi poussé
sous le souffle, sous la mouvance de l'Esprit Saint. (HAUT)
|
|
«Le
Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille pour que j'écoute comme
celui qui se laisse instruire ««24»».»
Prophétiser,
c'est d'abord se mettre à l'écoute de l'Esprit Saint
pour qu'il parle au fond de notre coeur. «Parle, Seigneur,
dit Samuel, ton serviteur écoute» (1 S 3, 10). Que
cet Esprit de vérité nous instruise à notre
tour et se saisisse de nous de la manière qu'il voudra
bien, afin que nous soyons lumière révélant
la présence de Dieu au monde et à l'Église,
le révélant lui, la vraie lumière.
Lorsque ce
don de prophétie est en exercice, c'est bien l'Esprit Saint
qui épouse la forme du prophète et non le
prophète qui dicte à l'Esprit quoi dire et comment
le dire. Le prophète doit se laisser saisir sans résister,
sans rien ajouter ni retrancher ni omettre de ce qu'il entend,
acceptant de se laisser conduire comme un tout petit enfant.
C'est pourquoi
on peut affirmer avec certitude que ce don de prophétiser
est réservé aux coeurs humbles et petits, dociles,
qui se laissent conduire par la main, qui fuient la voix des étrangers
et qui reconnaissent la voix du Maître et du Bien-Aimé.
Ceux-là sont obéissants à l'Église
et reconnaissent la voix du Christ à travers elle. Plus
une âme se fait généreuse dans l'exercice
du don de prophétie, plus elle progressera aussi dans le
discernement des esprits. Plus elle vivra cette pauvreté
en esprit dont parle l'Évangile, plus sera facilité
l'exercice des dons du Saint-Esprit et en particulier l'exercice
du don de la parole inspirée.
Il a été
donné au Père Émilien Tardif la grâce
de prêcher l'Évangile sur les cinq continents. À
sa façon, il a actualisé cette parole du Christ:
"Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui
descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à
Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et
jusqu'aux confins de la terre" (Ac 1, 8-9). Cette force de
l'Esprit Saint s'est traduite chez lui par un étonnant
charisme de prière pour les malades.
J'ai
souvent prié pour des malades sans qu'il se passe rien,
raconte-t-il. Le 18 novembre 1973, je priais pour un homme souffrant
d'arthrite et qui pouvait à peine marcher. Une grande
chaleur envahit tout son corps et il se mit à pleurer.
Ensuite, il se leva et se mit à marcher sans difficulté.
Le feu de l'Amour de Jésus l'avait touché et guéri.
C'était la première fois que je constatais une
guérison simultanée à ma prière.
Ce charisme s'est par la suite développé. En effet,
les charismes sont des dons spirituels. Comme les dons naturels,
plus on les exerce, plus ils se développent. Tant que
nous n'oserons pas prier pour les malades, nous ne pourrons
voir ces manifestations de la Puissance de Dieu
««25»».
Ainsi, exercer
les dons du Saint-Esprit, c'est cette capacité intime,
au coeur du serviteur de Dieu, d'écouter, de percevoir,
de sentir le Verbe de vie se manifester à lui et en lui
par le ministère des anges ««26»».
C'est un moyen salutaire dont le Seigneur se sert pour communiquer
au coeur de l'homme ses bons vouloirs, pour lui parler, et cela,
indépendamment de ses connaissances, de ses études,
de son expérience. (HAUT)
|
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IV
- Comment le prophète entend-il les paroles de l'Esprit Saint
en son coeur? |
16.
|
C'est
un souffle dans l'homme, une brise légère, parfois
même un souffle oppresseur ««27»».
Il y a différentes
manières dont l'Esprit Saint se sert pour opérer
en l'âme. L'Esprit en effet agit, tout comme le vent, de
bien des manières, selon son bon vouloir ««28»»,
mais aussi selon les dispositions de celui qui reçoit la
parole.
Voici ce qui
peut aider à illustrer comment on peut entendre la voix
du Seigneur en son coeur. Lorsqu'on se parle intérieurement,
on entend au-dedans de soi des mots qui se succèdent, mais
on ne les entend pas avec les oreilles du corps. Par exemple,
lorsqu'on récite le Notre Père ou formule
une prière en son coeur, personne ne l'entend à
l'extérieur. Il n'y a aucun bruit et pourtant, on sait
très bien où on est rendu dans la récitation
de sa prière.
Pour le prophète
animé de l'Esprit, la voix du Seigneur est entendue un
peu de la même façon, mais dans ce cas de la prophétie,
ce n'est pas son intelligence qui fait un effort de composition:
les mots ou paroles viennent sans que le prophète ait à
les chercher. Ces mots viennent en lui dans la paix, sans effort,
sans recherche. Parfois, les mots viennent un à un, lentement,
parfois par petits groupes de mots, parfois par phrases entières.
Il peut arriver que le prophète reçoive d'abord
comme une idée globale de ce que le Seigneur veut faire
proclamer en assemblée, avant même d'entendre un
seul mot au-dedans de son coeur; c'est comme si l'Esprit du Seigneur
donnait en un flash tout ce qui allait être contenu dans
la parole prophétique.
Que la parole
vienne lentement ou comme un fleuve ««29»»,
le prophète se doit de demeurer dans une écoute
attentive, dans l'attente patiente, et de se tenir prêt
à donner ou à communiquer les paroles reçues
dans la paix dès que le souffle de l'Esprit se manifeste,
sans précipiter et sans précéder les paroles,
et surtout sans chercher à se rappeler ce qui a été
dit auparavant. Il faut se souvenir, appuyé sur les Écritures
en saint Paul, que la prophétie est un don gratuit qui
doit être développé dans la foi et par la
foi:
"Suivant
la grâce qui nous a été conférée,
nous avons des dons différents: que celui qui a le don
de prophétie l'exerce en proportion de la foi..."
(Rm 12, 6).
Laisser l'Esprit
Saint agir en nous, c'est faire grandir la foi dans les curs,
c'est découvrir que notre Dieu est vivant aujourd'hui,
qu'il agit avec autant d'amour qu'il le faisait sur les chemins
de la Palestine et qu'il est le même hier, aujourd'hui et
à jamais. (HAUT)
|
|
«Ouvre
large ta bouche, et je l'emplirai ««30»».»
Appelés
à agir dans l'audace de la foi, il nous faut apprendre
à reconnaître en notre cur l'agir de l'Esprit
Saint. De façon générale, on peut dire avec
certitude que le souffle de l'Esprit Saint est une inspiration
légère qui se laisse saisir par le coeur petit,
humble, attentif et veillant. Lorsqu'on croit que des premiers
mots du Seigneur viennent en notre coeur, il faut les dire ou
les écrire, et au fur et à mesure qu'on les donne
ou qu'on les écrit, d'autres mots viennent s'ajouter. Si
cependant on ne donne pas les premiers mots ou qu'on ne les écrit
pas, il est certain que les autres mots pour compléter
la parole ne viendront pas. L'exemple de la boîte de kleenex
nous aidera à comprendre: celui qui en a fait l'expérience
sait qu'en tirant sur le premier mouchoir, l'autre vient de lui-même
en sortant légèrement de la boîte et ainsi
de suite, mais il demeure toujours que c'est la personne qui tire
le mouchoir.
Dans l'exercice
des dons de prophétie, c'est le prophète qui ouvre
la bouche et donne le premier mot afin que le suivant vienne.
Il n'y a pas de raisonnement à faire pour savoir comment
tirer un mouchoir de la boîte pour qu'il en vienne un autre.
C'est dans ce sens que l'on peut affirmer que l'intelligence n'a
pas besoin d'intervenir pour prophétiser, cela va comme
de soi.
Pour disposer
son coeur à recevoir les paroles de l'Esprit, il faut se
mettre dans une attitude d'écoute intérieure, se
tenant à l'affût de la moindre parole ou mot qui
vient de Dieu, mais sans rien chercher, sans composer avec son
intelligence. Quand surgit un mot ou une parole en notre coeur,
on ne doit pas chercher à retenir ce mot ou cette parole.
Pour ceux qui sont familiers avec la prière en langues,
cette arme leur sera d'un grand secours pour demeurer paisible
et attentif à la voix du Seigneur au plus profond de leur
coeur. (HAUT)
|
|
Discerner
les paroles entendues dans le coeur.
«Dites-vous
cela de vous-même, ou cela vous a-t-il été
révélé?» À cette question
de Monsieur l'Abbé Galamba, soeur Lucie de Fatima répondait
simplement: «Il me semble que, dans ces cas-là,
je ne dis ni n'écris rien qui vienne de moi seule. Je
dois remercier Dieu de l'assistance du divin Saint-Esprit, que
je sens bien me suggérant ce que je dois écrire
ou dire. Si, quelquefois, ma propre imagination ou mon propre
esprit me suggère quelque chose, je sens aussitôt
que lui manque l'onction divine et je m'arrête, jusqu'à
ce que je connaisse, dans l'intime de mon âme, ce que
Dieu veut que je dise en son nom».
««31»»
On doit faire
de même. Si on est seul, en solitude, et qu'on croit entendre
des paroles de l'Esprit, on les écrit afin de les faire
vérifier par la communauté ou l'assemblée,
sinon par un guide expérimenté dans l'agir de l'Esprit
Saint afin d'être préservé de son propre esprit
ou de l'empire des ténèbres. Si le prophète
est dans l'impossibilité de faire vérifier les paroles
reçues, qu'il les rejette absolument: si c'est l'Esprit
qui a parlé, il laissera les effets dans l'âme même
si les paroles ont été rejetées.
En assemblée,
à moins que celui qui exerce l'autorité en juge
autrement, on doit céder humblement à l'Esprit en
donnant à haute voix la parole entendue en son coeur, afin
que ce qu'on reçoit soit vérifié, discerné
sur-le-champ et par tous.
Lorsque la
parole provient du Seigneur ou de son envoyé, de son ange,
elle est claire, limpide, simple, et parvient au coeur du prophète
sans que son intelligence participe à l'élaboration
de la parole. Cette parole reçue réjouit le fond
du coeur, le fortifie et le conserve dans la paix, grand signe
de l'agir de l'Esprit Saint.
Comme un veilleur
attend l'aurore ««32»»,
ainsi le prophète guette-t-il la venue du Seigneur. Il
est patient, certain dans la foi qu'il viendra à son heure.
Il sait, comme le veilleur, que le lever du soleil ne dépend
pas de lui mais de Dieu. De même en est-il pour la parole
prophétique: ce n'est pas le prophète qui souffle
la parole à son propre esprit, mais l'Esprit de Dieu qui
opère ce prodige par sa grâce. (HAUT)
|
|
«Parle,
Seigneur, car ton serviteur écoute!»
À ce
sujet, l'exemple du jeune Samuel dans l'Ancien Testament ««33»»
demeure très instructif. Le petit Samuel couchait dans
le temple de Yahvé, mais il ne connaissait pas encore l'agir
de l'Esprit, c'est-à-dire comment Dieu pouvait parler à
l'âme, comment reconnaître la voix de l'Esprit de
Dieu parlant à son coeur.
Samuel est
couché dans le sanctuaire, non loin du prêtre Éli,
et il entend une voix l'appeler: «Samuel! Samuel!»
Dans sa promptitude à répondre à l'appel
entendu qu'il pense venir d'Éli, il se lève et va
trouver Éli, disant: «Me voici!» Cela se répétera
trois fois jusqu'à ce que le prêtre Éli comprenne
que c'était le Seigneur qui se révélait à
Samuel par la parole entendue. Alors, Éli dit à
Samuel: «Lorsque tu entendras de nouveau l'appel, tu répondras:
"Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute"»
(1 S 3, 9-10). Ce que fit Samuel, et son esprit de foi et d'obéissance
lui valut d'entendre les oracles du Seigneur en son coeur.
Voici comment
le bienheureux Dom Marmion voulait que le moine vive de la foi.
La
foi, disait-il, doit être la racine de tous nos actes,
de toute notre vie ««34»».
(
)
Nous en avons reçu le principe au baptême: mais
nous devons conserver, développer ce germe divin. Quelle
est la coopération que Dieu attend de nous, en cette
matière?
Il attend d'abord notre prière. - La foi est un don de
Dieu; l'esprit de foi vient de l'Esprit de Dieu: "Seigneur,
augmentez en nous la foi" (Lc 17, 5). Disons souvent au
Christ Jésus, comme dans l'Évangile le père
de l'enfant malade: "Je crois, Seigneur, mais augmentez
ma foi; aidez mon incrédulité" (Mc 9, 24).
C'est Dieu, en effet, qui peut seul, comme cause efficiente,
augmenter la foi en nous; notre rôle est de mériter
cet accroissement par nos prières et par nos bonnes uvres.
C'est dire que, la foi ayant été obtenue, nous
avons le devoir de l'exercer. - Dieu nous donne au baptême
l'habitus de la foi; c'est une "force", une "puissance";
mais il ne faut pas que cette force reste inactive, que cette
"habitude" s'ankylose, pour ainsi dire, faute d'exercice.
Cet habitus doit aller en se fortifiant toujours plus par les
actes qui lui correspondent. Nous ne devons pas être de
ces âmes chez lesquelles la foi est endormie
««35»».
Le message
est clair: il faut une foi agissante mue par la charité
qui, de manière habituelle, met en exercice tous les dons
du Saint-Esprit. Il faut prendre l'habitude de se mettre à
l'écoute du Seigneur au fond de son cur et veiller
à ne pas contrarier son action en nous. Plus on sera attentif
pour répondre à son appel, plus il deviendra facile
de discerner en nous la voix de l'Esprit, ses inspirations, et
ayant entendu ses paroles, de les proclamer si je suis en assemblée
ou de les écrire si je suis en solitude.
Plus le prophète
prend l'habitude de céder au souffle de l'Esprit Saint,
plus le Seigneur fera parler son instrument dans la foi nue, c'est-à-dire
dans la foi dépouillée de tout ce côté
sensible qui avait pu le séduire dans les débuts.
Seules doivent demeurer la paix et la certitude au fond du coeur
d'accomplir la volonté de Dieu. Il s'ensuit un affermissement
du prophète dans la pratique des vertus et dans la pratique
du discernement des esprits. (HAUT)
|
|
«Prenez
garde à la manière dont vous écoutez.»
Si nous voulons
entendre le Seigneur nous parler et être fidèles
à ses inspirations, il nous faut tout au long du jour être
très attentifs à écouter nos frères,
ceux qui nous entourent, nous conformer à l'enseignement
de l'Église, et vivre dans un état de prière
et de colloque intime avec le Seigneur. C'est la conduite à
suivre si nous souhaitons, désirons et voulons que l'Esprit
parle à nos coeurs et se serve de nous comme instruments
de sa miséricorde pour construire l'Église, Corps
du Christ.
À ce
propos, rappelons-nous la parole du Seigneur Jésus: «Prenez
garde à la manière dont vous écoutez»
(Lc 8, 18). La mauvaise habitude de ne pas écouter les
autres ou d'écouter à moitié ceux qui nous
parlent ou nous exhortent ou nous enseignent rend très,
très difficile l'écoute de l'Esprit Saint en nous,
pour ne pas dire que cela devient quasi impossible, à moins
d'une intervention miraculeuse pour réveiller l'âme
endormie dans sa mauvaise habitude.
L'Esprit Saint
ne demande qu'à parler au fond des coeurs pour les transformer,
les Écritures en saint Paul l'attestent ««36»».
Mais hélas! peu lui sont attentifs et peu lui prêtent
l'oreille. Beaucoup prêtent l'oreille à l'esprit
du monde et à ses inspirations, aux penchants de la chair
et à toutes ses convoitises, et parcourent d'un pas allègre
ce large chemin qui mène à la perdition et se rendent
ainsi inaptes à entendre la voix de Dieu et à suivre
ses inspirations. (HAUT)
|
|
V
- Moines et prophètes |
21.
|
Les Pauvres
de Saint-François: des moines exerçant les charismes
et les dons de l'Esprit.
Cette appellation
de «moine» remonte au XIIe siècle. Ce mot origine
du grec «monos» et signifie «solitaire»,
«seul».
Dans le concret,
un moine est quelqu'un qui vit à l'écart du monde,
soit seul, soit le plus souvent en communauté, après
s'être engagé par les voeux de pauvreté, de
chasteté et d'obéissance sous la conduite d'un supérieur
et d'une Règle approuvée dont le but premier et
fondamental est la conversion du coeur et la maîtrise des
passions. Pour le moine, le modèle par excellence, c'est
Jésus.
Lui, le Verbe
de vie, Fils du Père, s'est incarné. Vivant en plein
monde, il a déclaré ne pas être du monde et
pourtant il était dans le monde: «Vous, vous êtes
d'en bas; moi, je ne suis pas de ce monde» (Jn 8, 23). Le
moine ayant rencontré le Dieu vivant peut s'attribuer cette
parole de Jésus: «Le monde les a pris en haine parce
qu'ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde»
(Jn 17, 14). «Comme tu m'as envoyé dans le monde,
moi aussi, je les ai envoyés dans le monde» (Jn 17,
18).
Au premier
abord, on pourrait croire qu'il y a contradiction ou opposition
entre ces deux états de moine et de prophète,
entre le silence et la parole, entre une vie cachée
dans un cloître et une vie apostolique active au milieu
de la cité, au milieu du monde.
Comme Pauvres
de Saint-François, nous vivons en plein monde, au milieu
du monde, sans «être du monde». Nous sommes
conduits à penser à la manière du Christ
et de son Évangile par toute notre vie consacrée
à son service, vivant dans la prière et la pénitence,
nous refusant de penser à la manière du monde. C'est
ce qui nous met à l'écart, en solitude, retirés
de l'esprit de ce monde. C'est cela qui nous prépare et
nous dispose à déverser dans le monde, chez nos
contemporains, le trop-plein que nous recevons dans la prière
et la vie fraternelle.
C'est dans
ce retrait volontaire du monde, c'est dans cette solitude et ce
silence favorables au recueillement, c'est dans la sainte Eucharistie,
la prière d'oraison et l'Office divin que nous puisons
la grâce de compatir aux souffrances d'autrui, du monde
présent, et de révéler le Royaume de Dieu
au milieu de ce monde par notre vie toute donnée.
Voilà
pourquoi le pauvre de Saint-François s'habitue à
vivre en plein monde comme un moine dans le désert de son
coeur, en se débarrassant de tout souci, inquiétude,
tracas et de toutes formes d'attaches; à l'instar du moine,
il doit vivre en son coeur comme dans un sanctuaire où
Dieu habite et se fait présent par son Esprit, là
où il peut être constamment en prière et en
adoration, que ce soit dans la ville ou au monastère.
Ainsi, lorsqu'un
aspirant fait son entrée chez les Pauvres de Saint-François,
il est soumis à cette discipline de vie monastique dès
le départ: il doit développer et prendre l'habitude
de vivre en la présence de Dieu, peu importe où
il est, afin de devenir apte à entendre la voix de l'Esprit
Saint au fond de son coeur et d'être prêt à
proclamer la Parole. (HAUT)
|
22. |
Le prophétisme
de la vie consacrée.
Dociles à
l'appel du Père et à la motion de l'Esprit, les
Pauvres de Saint-François s'engagent à suivre le
Christ avec un cur sans partage. Par la profession des conseils
évangéliques, ils rendent visibles les traits caractéristiques
de Jésus - chaste, pauvre et obéissant. En manifestant
le mystère et la mission de l'Église par les charismes
de vie spirituelle et apostolique que leur donne l'Esprit Saint,
ils concourent par le fait même à renouveler la société.
À
l'aube du troisième millénaire, Jean-Paul II a tenu
à souligner par un synode la richesse du don de la vie
consacrée avec la variété de ses charismes
et de ses institutions.
Le
caractère prophétique de la vie consacrée,
écrira-t-il dans son Exhortation apostolique post-synodale
Vita Consecrata, a été fortement mis en relief
par les Pères synodaux. Il se présente comme une
forme spéciale de participation à la fonction
prophétique du Christ, communiquée par l'Esprit
à tout le Peuple de Dieu. Ce prophétisme est inhérent
à la vie consacrée comme telle, du fait qu'il
engage radicalement dans la sequela Christi et il appelle donc
à s'investir dans la mission qui la caractérise.
La fonction de signe, que Vatican II reconnaît à
la vie consacrée, s'exprime par le témoignage
prophétique du primat de Dieu et des valeurs de l'Évangile
dans la vie chrétienne. En vertu de ce primat, rien ne
peut être préféré à l'amour
personnel pour le Christ et pour les pauvres en qui il vit.
La tradition patristique a reconnu dans la personne d'Élie,
prophète audacieux et ami de Dieu, une figure de la vie
religieuse monastique. Élie vivait en présence
de Dieu et contemplait son passage dans le silence, il intercédait
pour le peuple et proclamait la volonté divine avec courage,
il luttait pour les droits de Dieu et se dressait pour défendre
les pauvres contre les puissants du monde (cf. 1 R 18-19). Dans
l'histoire de l'Église, à côté d'autres
chrétiens, il y a toujours eu des hommes et des femmes
consacrés à Dieu qui, par un don particulier de
l'Esprit, ont exercé un authentique ministère
prophétique, parlant au nom de Dieu à tous et
même aux Pasteurs de l'Église. La véritable
prophétie naît de Dieu, de l'amitié avec
lui, de l'écoute attentive de sa Parole dans les diverses
étapes de l'histoire. Le prophète sent brûler
dans son cur la passion pour la sainteté de Dieu
et, après avoir accueilli sa parole dans le dialogue
de la prière, il la proclame par sa vie, ses lèvres
et ses gestes, se faisant le héraut de Dieu contre le
mal et le péché. Le témoignage prophétique
exige une recherche permanente et passionnée de la volonté
de Dieu, une communion ecclésiale indispensable et généreuse,
l'exercice du discernement spirituel, l'amour de la vérité.
Il s'exprime aussi par la dénonciation de ce qui est
contraire à la volonté divine et par l'exploration
de voies nouvelles pour mettre en pratique l'Évangile
dans l'histoire, en vue du Royaume de Dieu
««37»».
(HAUT)
|
|
Appelés
par la Sagesse multiforme à être prophètes.
«Yahvé
dit à Moïse: "Vois, je fais de toi un dieu pour
Pharaon, et Aaron, ton frère, sera ton prophète.
Toi, tu lui diras tout ce que je te prescrirai et Aaron, ton frère,
le répétera à Pharaon, afin qu'il laisse
les enfants d'Israël quitter son territoire"»
(Ex 7, 1-2). Dans son plan de salut, Dieu veille sur son peuple
choisi. Pour le libérer de toute forme d'esclavage, il
se choisit des messagers et des envoyés pour lui signifier
sa volonté.
Tout vrai
prophète a vivement conscience qu'il n'est qu'un instrument,
que les mots qu'il profère sont à la fois siens
et non siens. Il a la conviction inébranlable qu'il a reçu
une parole de Dieu et qu'il doit la communiquer.
Comme Moïse,
le vrai prophète est un homme qui a une expérience
immédiate de Dieu, qui a reçu la révélation
de sa sainteté et de ses volontés, qui juge le présent
et voit l'avenir à la lumière de Dieu, et qui est
envoyé par Dieu pour rappeler aux hommes ses exigences
et les ramener dans la voie de son obéissance et de son
amour.
Au long des
âges, l'Esprit Saint a fait surgir des mouvements, des Ordres,
des congrégations, des communautés selon le besoin
des hommes et femmes de chaque époque de l'Église.
Aujourd'hui encore, il continue de manifester son amour et sa
sagesse pour les âmes. Sans cesse à l'oeuvre, l'Esprit
de sagesse veut parler à notre coeur:
Car
plus que tout mouvement, la Sagesse est mobile; elle traverse
et pénètre tout grâce à sa pureté.
Elle est un souffle de la puissance divine, une effusion toute
pure de la gloire du Tout-Puissant
Bien qu'unique, elle
peut tout; sans sortir d'elle-même, elle renouvelle toutes
choses. Elle se répand au long des âges dans les
âmes saintes, elle en fait des amis de Dieu et des prophètes;
car Dieu n'aime que celui qui vit avec la Sagesse (Sg 7, 24-28).
Bienheureux
le serviteur qui a été attiré, séduit
et appelé par la Sagesse incarnée, le Christ Jésus!
À l'appel du Maître, conduit par l'Esprit, il quitte
tout pour le suivre, se renoncer lui-même, porter sa croix
chaque jour et s'attacher à lui pour ne plus faire qu'un
avec lui. En récompense, Dieu lui-même lui donne
le bonheur, le salut marche devant sa face et la paix suit la
trace de ses pas ««38»».
(HAUT)
|
|
«Si
quelqu'un veut venir à ma suite
» ««39»»
À la
question soulevée par l'Évangile: «Comment
faire pour tout quitter pour suivre le Christ?», François
d'Assise répond: «En se livrant tout entier à
l'obéissance entre les mains de son supérieur».
««40»»
C'est la raison
principale pour laquelle le moine se consacre à Dieu par
les saints voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance,
entre les mains d'un homme qui représente Dieu. Chez les
Pauvres de Saint-François, ce représentant de Dieu,
nous l'appelons le Berger; chez les Bénédictins,
il est appelé le Père Abbé; chez les Dominicains,
le Père Prieur; chez les Capucins, le Gardien; chez les
Rédemptoristes, le Recteur; etc.
Le moine ainsi
lié par les voeux sacrés est entré dans l'arène
pour combattre en lui les tendances égoïstes de sa
chair rebelle marquée par le péché. Lié
à l'Époux de son âme par les saints voeux
qu'il a prononcés, le moine s'efforce de livrer le bon
combat pour vivre dans la fidélité.
Il travaille
à se dépouiller de l'amour de toute créature,
y compris de lui-même, comme il renonce à la libre
disposition de son temps afin d'être disponible à
suivre les moindres désirs et indications que Dieu lui
manifeste. (HAUT)
|
|
Le fruit
du dépouillement de soi: la paix et le silence de l'âme.
Par ce travail
patient du dépouillement, le moine pauvre de Saint-François
enlève les obstacles entre lui et le Seigneur. Il peut
alors librement s'unir à Dieu, marcher en sa présence
et vivre dans la prière. Il se trouve à mettre en
pratique un texte de sa Règle:
Que
tous les frères vivent dans la prière, les supplications
et l'action de grâce dans l'Esprit Saint, en y apportant
une vigilance inlassable afin que progressent en eux la paix
et le silence de l'âme et la promptitude à l'obéissance.
««41»»
Pour ce moine,
mettre en pratique sa Règle, c'est donc conformer sa volonté
à celle de Dieu clairement exprimée. C'est de façon
particulière en vivant dans la prière et en faisant
la volonté de Dieu que le moine-prophète apprend
à vivre dans la paix. Et pour acquérir cette paix
et ce silence intérieur, il est de toute nécessité
que l'âme prenne l'habitude de se dépouiller d'elle-même,
de faire mourir en elle la recherche de ses caprices et de ses
goûts, ses désirs, ses satisfactions ainsi que la
recherche de l'estime de soi.
Ce dépouillement,
cette désappropriation volontaire du coeur et de l'esprit
conduit le prophète et lui procure cette grande grâce
du silence intérieur. Il lui enlève tout bruit intérieur
et tiraillement qui viennent des sens, en particulier de l'imagination,
de la mémoire, de la raison raisonnante d'où découle
le jugement propre, toutes des choses qui font véritablement
écran et obstacle à la promptitude à l'obéissance.
C'est par ce dépouillement et cette désappropriation
de soi que s'ouvre toute grande la porte de l'écoute attentive
de l'Esprit Saint et la claire vision (le discernement) de son
agir.
Ce silence
de l'âme, don de Dieu, peut être vécu à
travers même une activité intense. Il n'est pas conditionné
par le silence extérieur, mais par le détachement
du coeur et de l'esprit, par l'obéissance, la pauvreté
et la chasteté vécues par amour de Dieu.
C'est dans
ce silence de l'âme ou la paix du coeur quele consacré
pourra exercer efficacement et avec prudence tous les dons du
Saint-Esprit, en particulier les dons de prophétie et de
discernement des esprits.
C'est dans
le silence et la paix que l'Esprit Saint éduque et conduit
son serviteur. Il éclaire son coeur et son intelligence
et les fait progresser dans une union toujours plus étroite
à la Volonté de Dieu. C'est aussi dans ce silence
et cette paix du coeur poursuivis et entretenus que l'Esprit vient
communiquer au moine-prophète ses paroles, ses lumières,
ses révélations pour les âmes, pour la communauté,
pour l'Église. Avec humilité, le moine-prophète
se fait un devoir et une obligation de soumettre à son
guide ces communications d'Esprit afin d'être protégé
de son esprit propre. Pour le moine-prophète qui vit en
communauté, il doit les soumettre à son Berger qui
a charge des âmes. (HAUT)
|
|
Purifiés
par la rencontre du Dieu vivant.
«Convertissez-vous
et croyez à la Bonne Nouvelle» (Mc 1, 15). Avant
d'interpeller grands et petits à la conversion du coeur
et de leur transmettre les volontés divines, les lèvres
du prophète sont nécessairement passées au
feu purificateur. La vocation de moine et prophète chez
les Pauvres de Saint-François est à ce prix. Pour
réaliser la portée d'une telle purification, regardons
les fruits de la rencontre, du face à face que le prophète
Isaïe a expérimenté avec le Dieu vivant.
Voici la description
que fait ce prophète de la vision qu'il a eue, et où
il contemple la gloire de Dieu et éprouve le sentiment
de son indignité:
Je
vis le Seigneur Yahvé assis sur un trône élevé;
sa traîne (sa gloire) remplissait le sanctuaire;
des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun
six ailes: deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir
les pieds, deux pour voler. Et ils se criaient l'un à
l'autre ces paroles: "Saint, saint, saint est Yahvé
Sabaoth. Sa gloire remplit toute la terre"(Is 6, 1ss).
Isaïe
est en contemplation devant Dieu dans son sanctuaire. Ce simple
fait révèle qu'il est vraiment âme de prière.
Il en est ainsi du moine. Il doit être une âme de
prière et de contemplation qui ouvre son coeur et son esprit
aux manifestations de Dieu dans le sanctuaire de son coeur.
Devant la
grandeur et la gloire de Dieu se manifestant à ses yeux,
le prophète s'écrie: «Malheur à moi,
je suis perdu (muet, hébété), car je suis
un homme aux lèvres impures, j'habite au sein d'un peuple
aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, Yahvé
Sabaoth».
Nous entrons
ici dans l'intimité du coeur du moine à qui Dieu
se révèle. C'est dans cette lumière de gloire
qu'il voit et reconnaît sa misère, son impureté
et en même temps est révélée à
son esprit la misère du peuple. À travers cette
expérience intime, Dieu fait entrer le moine-prophète
dans l'humilité et dans la reconnaissance de sa grande
misère et de son indignité. Devant cette grâce
insigne de la vision de la gloire de Dieu, Isaïe le prophète
ajoute: «L'un des séraphins vola vers moi, tenant
en main une braise qu'il avait prise avec des pinces sur l'autel.
Il m'en toucha la bouche et dit: "Vois donc, ceci a touché
tes lèvres, ton péché est effacé,
ton iniquité est expiée"».
Afin de devenir
apte à prophétiser, à parler au nom du Seigneur,
Dieu passe par la purification son serviteur, son consacré.
Il le purifie par la braise de l'humiliation, par le feu des épreuves
d'une manière et puis d'une autre. Lorsque Dieu appelle
une âme à son service, à s'approcher de lui,
il la conduit au désert par diverses purifications afin
de la rendre apte à répondre aux appels, aux impératifs
de l'Esprit Saint.
La description
de la vision se poursuit: «Alors, j'entendis la voix du
Seigneur, disant: "Qui enverrai-je? Quel sera notre messager?"
Je répondis: "Me voici, envoie-moi!" Il me dit:
"Va et dis à ce peuple: Écoutez de toutes vos
oreilles
"».
Voilà
ce que produit l'épreuve: elle rend le moine apte à
la mission d'évangéliser. Ayant expérimenté
sa misère et ses limites, ayant fait la rencontre du Dieu
vivant, s'étant entretenu face à face avec son Seigneur,
s'étant vu lui-même dans la lumière de la
vérité, le moine accueille dans l'humilité
et la promptitude sa mission de prophète. Devenu plein
d'audace et d'amour pour son Seigneur, il est disponible à
déverser sur les âmes, au signal de l'Esprit, les
flots de lumière qu'il est allé puiser dans la prière,
dans l'intimité d'un coeur à coeur avec le Dieu
vivant. (HAUT)
|
|
Le pauvre
de Saint-François: un consacré au service de la
Parole de Dieu.
La caractéristique
essentielle du prophète, c'est de dire la vérité
de l'Évangile en vertu de son contact avec Dieu, de sa
rencontre avec le Dieu vivant dans la prière ininterrompue.
Le prophète, on le voit bien, n'a rien d'un devin, bien
que cette vérité qu'il dit pour aujourd'hui éclaire
naturellement aussi l'avenir.
Grâce
à son face à face avec Dieu dans la prière,
à la manière de Moïse et à la manière
du nouveau Moïse, le Christ Jésus, le moine-prophète
rend présent la vérité de Dieu, de sa Parole,
et il indique le chemin à prendre. Le prophète aide
donc à comprendre et à vivre la foi comme espérance
de salut même s'il doit présenter la Parole comme
une épée tranchante.
La particularité
du prophète, tout comme ce fut le cas pour Moïse,
consiste en ce qu'il parle et converse avec Dieu comme avec un
ami. C'est en vertu de cette rencontre directe, de ce face à
face avec son Seigneur que le prophète peut parler dans
le temps d'aujourd'hui.
On peut dire
que le prophète, afin d'être apte à prophétiser
en tout temps et d'être protégé contre son
propre esprit, doit vivre sa vie de moine avec ferveur, constance
et persévérance. Pour exercer judicieusement et
avec humilité les dons de prophétie et de discernement
des esprits, il doit croire que l'Esprit Saint vit et agit en
lui. Les dons que Dieu lui départit pour le bien de l'Église
doivent être exercés avec foi et soumission, sans
incrédulité en son âme.
Pour exercer
dons et charismes, le moine-prophète doit donner son entière
coopération dans la foi à l'action de l'Esprit en
son coeur. Il doit, dans la foi, ouvrir la bouche pour discerner
et prophétiser. Il doit, en même temps, disposer
son âme à une entière soumission au jugement
de l'assemblée selon ces paroles de saint Paul aux Corinthiens:
Pour
les prophètes, qu'il y en ait deux ou trois à
parler, et que les autres jugent (discernent)
Car
vous pouvez tous prophétiser à tour de rôle,
afin que tous soient instruits et tous encouragés. Les
esprits des prophètes sont soumis aux prophètes;
car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix
Que tout se passe de manière à édifier
Que tout se passe décemment et dans l'ordre (1 Co 14,
26-40).
Moine et prophète
forment une même réalité chez un pauvre de
Saint-François. Il doit exercer les deux fonctions: ces
deux états devant être et demeurer reliés
dans la pratique.
Se consacrer
au service du Seigneur, le servir comme moine et prophète,
comme homme de discernement et homme de foi qui exerce avec humilité
et soumission les charismes en vue d'édifier le Corps du
Christ qu'est l'Église, telle est la vocation du pauvre
de Saint-François. (HAUT)
|
|
VI
- Les conditions nécessaires pour exercer le discernement
des esprits |
28.
|
Exercer
le charisme de discernement des esprits.
Les auteurs
spirituels font habituellement la distinction entre le discernement
acquis (celui que l'on acquiert par l'expérience, par la
pratique des vertus, la direction spirituelle, etc.), et le discernement
des esprits comme charisme de l'Esprit Saint.
Dans les deux
cas, c'est bien le même Esprit Saint qui opère réellement
dans l'âme pour lui donner la lumière afin de porter
un jugement selon l'Esprit.
Dans le cas
du charisme de discernement des esprits, l'Esprit Saint agit directement
dans l'âme sans la participation de l'effort de l'homme,
de sa réflexion. Il donne à l'âme de discerner
les esprits par une vive lumière qui ne suppose pas l'expérience
comme prérequis. Mais l'expérience de l'agir de
l'Esprit Saint acquise au fil des jours et des années aidera
certes celui qui veut servir Dieu à mieux discerner les
esprits.
Le moine-prophète
ou celui qui a à exercer le charisme de prophétie
en vue du bien commun de l'Église doit nécessairement
exercer le charisme de discernement des esprits s'il ne veut pas
être trompé et risquer d'errer dans la foi. Et pour
répondre à ce devoir, à cette tâche
du discernement des esprits, il doit remplir les conditions appropriées.
Il doit passer par la porte étroite du renoncement et de
la mort à lui-même.
Voilà
pourquoi nous voulons traiter des conditions nécessaires
pour exercer ce don de discerner afin qu'il serve à la
plus grande gloire de Dieu et au bien de l'Église et des
âmes. Ce qui va suivre vise particulièrement le moine-prophète,
mais s'adresse tout aussi bien à quiconque veut avancer
allégrement dans les voies de la vie spirituelle. (HAUT)
|
29. |
"Ne
contristez pas l'Esprit Saint de Dieu."
"N'éteignez
pas l'Esprit", dit saint Paul; et encore: "Prenez
garde de contrister l'Esprit Saint". Je vous l'ai dit,
l'action de l'Esprit dans l'âme est délicate, parce
que c'est une action d'achèvement, de perfectionnement;
ce sont des touches d'une infinie délicatesse. Nous devons
veiller à ne pas contrarier l'opération de cet
Esprit divin par notre légèreté, notre
dissipation volontaire, notre insouciance ou nos résistances
voulues, délibérées, par un attachement
déréglé à notre sens propre: ne
vous complaisez pas dans votre propre sagesse (Rm 12, 16) (ne
vous prenez pas pour des sages, ne soyez point sages à
vos propres yeux). Ne vous fiez pas, dans les choses de Dieu,
à la sagesse humaine, car alors le Saint-Esprit vous
laissera à cette prudence naturelle; vous savez ce que
saint Paul dit qu'elle est aux yeux de Dieu: "une sottise".
Cette action du Saint-Esprit est parfaitement compatible avec
ces faiblesses de surprise qui nous échappent si souvent
et que nous regrettons, avec nos infirmités, avec nos
servitudes humaines, avec nos difficultés, avec nos tentations;
notre pauvreté native ne rebute pas l'Esprit Saint; il
est le "Père des pauvres", comme l'appelle
l'Église.
Ce qui est incompatible avec son action, c'est la résistance
voulue, froidement admise, à ses inspirations. Pourquoi
cela? - D'abord, parce que l'Esprit procède par amour,
il est l'amour même: cependant, bien que son amour soit
incommensurable, bien que son action soit infiniment puissante,
l'Esprit Saint respecte souverainement notre liberté
et ne violente point notre volonté. Nous avons le triste
privilège de pouvoir lui résister; mais rien ne
contrarie l'amour comme la résistance obstinée
à ses avances. - Ensuite, c'est par ses dons surtout
que le Saint-Esprit nous guide dans le chemin de la sainteté
et nous fait vivre en enfants de Dieu; or, dans les dons, c'est
le Saint-Esprit qui pousse et détermine l'âme à
agir: le rôle de l'âme n'est sans doute pas de rester
entièrement passive, mais de se disposer à l'inspiration
divine, de l'écouter, de lui être promptement fidèle.
Rien n'émousse l'action de l'Esprit Saint en nous comme
la raideur à l'égard de ces mouvements intérieurs
qui nous portent vers Dieu, qui nous poussent à l'observation
de ses commandements, à l'exécution de son bon
plaisir, à la charité, à l'humilité,
à la confiance; un "non" répondu volontairement,
un "non" délibéré, même
en de petites choses, contrarie l'opération du Saint-Esprit
en nous; son action se fait moins forte, plus rare, et l'âme
reste alors à un degré ordinaire, à un
niveau médiocre de sainteté; sa vie surnaturelle
manque d'intensité: N'éteignez pas l'Esprit.
Et si ces résistances volontaires, délibérées,
froidement admises, se multiplient, deviennent fréquentes,
habituelles, l'Esprit Saint se tait; l'âme, alors livrée
à elle-même, sans guide et sans soutien intérieur
dans la voie du salut et de la perfection, est bien près
de devenir la proie du prince des ténèbres: c'est
la mort de la charité. "N'éteignez pas l'Esprit
Saint", car il est comme un feu d'amour brûlant dans
nos âmes ««42»».
(HAUT)
|
|
Qu'est-ce
que discerner?
-- C'est différencier
ce qui est lumière de ce qui est ténèbres.
C'est différencier ce qui est spirituel de ce qui est charnel,
ce qui est esprit de ce qui est chair, ce qui est vérité
de ce qui est mensonge. C'est différencier les inspirations
de l'Esprit Saint de celles de l'esprit humain, les paroles reçues
de l'Esprit Saint de celles qui viennent de notre propre esprit
ou d'un autre esprit.
Cette parole
de l'Évangile de saint Luc vient nous rappeler l'importance
de la santé de l'âme pour discerner:
La
lampe de ton corps, c'est ton oeil. Lorsque ton oeil est sain,
ton corps tout entier est aussi dans la lumière; mais,
dès qu'il est malade, ton corps aussi est dans les ténèbres!
Vois donc si la lumière qui est en toi n'est pas ténèbres!
Si donc ton corps tout entier est dans la lumière, sans
aucun mélange de ténèbres, il sera dans
la lumière tout entier, comme lorsque la lampe t'illumine
de ses rayons (Lc 11, 34-36).
C'est l'examen
important que Jésus nous propose si nous voulons exercer
droitement un vrai discernement.
D'ailleurs,
Jésus trouve nécessaire que nous enlevions la poutre
dans l'oeil de notre coeur si nous voulons discerner chez les
autres l'agir de l'Esprit Saint ou d'un autre esprit:
Qu'as-tu
à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère?
Et la poutre qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques
pas! Ou bien comment vas-tu dire à ton frère:
«Attends, que j'enlève la paille de ton oeil»,
alors qu'il y a une poutre dans le tien? Hypocrite, enlève
d'abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras clair (tu
discerneras!) pour enlever la paille de l'oeil de ton frère
(Mt 7, 3-5).
Le discernement
est le fruit d'une conscience sans souillure et d'une sensibilité
purifiée. Saint Jean Climaque définit ainsi les
étapes du discernement des pensées, des passions
et des vertus:
Le
discernement, chez les commençants, est une connaissance
vraie d'eux-mêmes; chez les progressants, c'est un sens
spirituel qui distingue sans erreur le vrai bien du bien seulement
naturel ou de son contraire; chez les parfaits, c'est une science
qui leur vient d'une illumination divine, et qui peut éclairer
de sa lumière ce qui est obscur chez les autres. Ou peut-être,
d'une façon générale, le discernement est
et se définit: la perception certaine de la volonté
de Dieu en toute occasion, en tout lieu et en toute circonstance;
elle se rencontre seulement chez ceux qui sont purs de coeur,
de corps et de bouche.
««43»»
La vigilance
à exercer sur notre coeur pour qu'aucun péché
ou attache volontaire ne fasse obstacle à l'exercice des
dons, en particulier celui de discerner, doit donc être
accompagnée de constance et de fidélité à
ne faire que ce que Dieu veut de nous. (HAUT)
|
|
L'image
du lac et du pêcheur.
L'image du
lac nous aidera à saisir l'agir de l'Esprit Saint dans
l'exercice de ce don de discerner.
Lorsque l'eau
du lac est claire, non souillée, tranquille, paisible,
il est facile pour celui qui va à la pêche de voir
et d'observer ce qui se passe dans l'eau limpide du lac. S'il
prête attention, presque rien ne lui échappera du
va-et-vient des poissons. Et l'habitude d'être attentif
à ce qui se déroule sous ses yeux va lui donner
ce flair de discerner avec certitude ce qu'il voit, entend et
perçoit.
Il doit en
être de même pour la personne qui accepte d'exercer
le charisme du discernement des esprits. Elle se conservera dans
la tranquillité et la paix, et elle pourra percevoir et
discerner, voir du regard de son coeur le va-et-vient des pensées,
des paroles qu'elle entend, des inspirations qui la traversent,
des lumières qu'elle croit recevoir. Par cette paix nécessaire
qu'elle entretient en elle, évitant toute faute et toute
offense à Dieu, elle discernera avec certitude ce qui vient
de l'Esprit Saint, ce qui vient de sa nature charnelle ou d'un
autre esprit.
Tout comme
le pêcheur doit observer avec attention les divers éléments
qui vont lui permettre de mieux percevoir le va-et-vient des poissons
dans l'eau du lac, le moine-prophète doit respecter les
conditions nécessaires pour discerner correctement. Il
doit s'exercer, avec une vigilance inlassable, à observer
les commandements du Seigneur, à vivre pleinement les obligations
de sa vie de consacré, en particulier l'esprit de pauvreté,
d'obéissance et de chasteté; à observer attentivement
les mouvements de son coeur, les impulsions, les désirs
et les inspirations qui circulent et traversent ses pensées
afin d'y reconnaître quel esprit l'anime et quels sont les
fruits qui en découlent. (HAUT)
|
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Aux jours
d'épreuve intérieure.
Tant que nous
sommes en cette vie, nous ne sommes pas à l'abri des tempêtes,
des vents et même des ouragans. Il en est de même
pour la personne qui veut servir son Seigneur et son Dieu en exerçant
les charismes et dons de l'Esprit Saint.
Si l'eau du
lac qui, il y a un instant, était calme, claire, paisible,
devient subitement agitée par les vents sur toute sa surface,
eh bien, ces mouvements de l'eau déchaînée
cacheront certainement aux yeux du pêcheur le va-et-vient
des poissons et s'adonner à la pêche lui deviendra
difficile, voire impossible. Son regard, sa vue sera brouillée
par le remous sinistre de la surface de l'eau, d'où l'extrême
difficulté pour lui d'identifier les différentes
espèces de poissons, de voir à la fois leur grosseur
et leur direction, d'où ils viennent et où ils vont.
Ainsi en est-il
pour l'âme éprouvée. Elle doit s'armer de
courage et de patience lorsqu'elle est agitée par le mouvement
intérieur des passions à la surface des sens, remuée
vivement par divers soupçons, par le trouble, l'inquiétude,
le doute, la tentation, etc. Comme son regard intérieur
est brouillé, obscurci par cette vive agitation, le discernement,
cette lumière intérieure de l'âme, lui devient
alors presque impossible.
Tout ce remue-ménage,
tout ce remous créé dans l'âme par l'excitation
des sens et des passions est provoqué soit par des mauvaises
habitudes du passé, soit par le manque de maîtrise
de soi, soit par une certaine suffisance ou attache à son
sens propre et à son jugement propre, soit par l'ennemi
qu'est le père du mensonge, ou encore est provoqué
par tous ces éléments à la fois, même
si l'âme ne le veut aucunement. Elle doit quand même
bien vérifier si elle n'a pas été négligente
au service du Seigneur, et si cela est, opérer la correction
qui s'impose. Quoi qu'il en soit, dans ces moments d'obscurité
où l'âme ne voit rien, elle doit recourir à
son guide spirituel et s'en remettre entièrement à
lui dans la soumission et l'obéissance.
Lorsque ces
épreuves arrivent, c'est dans la foi que l'âme doit
prendre son mal en patience et s'efforcer de demeurer calme et
paisible malgré tout, tant qu'elle le peut, et supplier
avec confiance le Seigneur et la Vierge Marie, sa sainte Mère.
(HAUT)
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Les bienfaits
de l'épreuve.
Une fois passée
la tempête houleuse, l'âme qui a retrouvé la
paix intérieure pourra certainement prendre conscience,
par la grâce de l'Esprit Saint, de ce qu'elle est elle-même
et de son incapacité. Dieu, dans son infinie sagesse, choisit
ce chemin pour faire entrer profondément l'âme dans
l'humilité et dans la connaissance de ses mystères
et la préparer à être adéquatement
un fidèle instrument entre ses mains.
Sachant cela,
l'âme emploiera tous les moyens pour se purifier, surtout
celui de développer en elle la paix de Dieu, cette paix
qui surpasse tout sentiment ««44»».
Elle acceptera aussi avec amour et douceur les purifications successives
dont l'Esprit Saint se servira pour affiner, assainir son coeur
et son esprit des souillures et des attaches qu'elle-même
ignore et dont elle serait incapable de se défaire par
elle-même malgré sa bonne volonté.
L'âme
ardente qui acceptera de mourir à elle-même chaque
jour permettra au Saint-Esprit de se reposer en elle, d'y faire
sa demeure où brillera la lampe du discernement des esprits.
Ce don de
discerner illuminera sans cesse, dans les profondeurs de l'âme,
les attaques cruelles et sournoises de l'esprit des ténèbres.
Mises à découvert et dénoncées, elles
perdront beaucoup de leur force et de leur vigueur, car ces «esprits»
qui les ont provoquées auront été vaincus
par le courage tenace de l'âme et par cette sainte et glorieuse
lumière du discernement des esprits.
Lorsque nous
sommes en bonne santé, l'expérience de notre sens
corporel du goût nous permet, en général,
de discerner sans nous tromper ce qui est bon et ce qui est mauvais,
et nous allons spontanément vers une nourriture qui nous
est agréable. Il en est de même pour notre esprit
et notre coeur: lorsqu'ils auront passé régulièrement
par l'épreuve de purification, ils pourront exercer efficacement
et avec justesse leur activité de discernement selon l'Esprit
Saint.
C'est par
la purification et par un grand détachement volontaire
de tout ce qui la retient à la terre, que l'âme en
vient à goûter et à ressentir l'abondance
de la consolation divine. Alimentée du feu purificateur
du Saint-Esprit et de son amour, elle pourra demeurer attentive
à «ce goût intérieur» lui permettant
d'apprécier, de juger, de discerner selon l'Esprit les
biens supérieurs conformément à ce que dit
l'apôtre Paul: «Dans ma prière, je demande
que votre charité, croissant toujours de plus en plus,
s'épanche en cette vraie science et ce tact affiné
qui vous donneront de discerner le meilleur et de vous rendre
purs et sans reproche pour le Jour du Christ» (Ph 1, 9-10).
Ou, comme
il le dit aux Hébreux: «Les parfaits, eux, ont la
nourriture solide, ceux qui, par l'habitude, ont le sens moral
exercé au discernement du bien et mal» (He 5, 14).
Ou encore: «Que le renouvellement de votre jugement vous
transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté
de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait»
(Rm 12, 2b). (HAUT)
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L'ouverture
du coeur.
Pour ne pas
être trompés par notre propre jugement, par notre
propre discernement, celui que nous croyons avoir, il faut avoir
l'humilité et la soumission de recourir, dès que
nous le pouvons, à quelqu'un de sûr dans l'Esprit
Saint afin de ne pas errer dans la foi.
Car, il faut
bien le reconnaître, celui qui est père du mensonge
est un séducteur. Lorsqu'il voit une âme généreuse
et toute donnée au Seigneur, qui reçoit diverses
manifestations de l'Esprit Saint, il ne manquera pas une occasion
de tenter de la séduire dans le but de la tromper, en particulier
en l'incitant sous prétexte d'humilité à
garder pour elle ce qu'elle vit et à mettre en cachette
les diverses révélations qu'elle peut ou croit recevoir.
C'est l'ouverture
du coeur qui permet d'éviter et de contrer les pièges
de l'ennemi. Si quelqu'un veut servir d'instrument valable pour
l'Église et pour ses frères, il doit être
prêt à ouvrir son coeur, comme un livre ouvert, à
un homme d'Église sûr et expérimenté
dans l'agir de l'Esprit Saint.
Il faut avouer
cependant que ce n'est pas facile de trouver quelqu'un d'expérience
dans l'exercice des dons de l'Esprit Saint. Mais cette difficulté
ne doit pas nous faire perdre de vue que saint Paul, mû
par l'Esprit Saint, nous encourage chacun à «aspirer
aux dons spirituels, surtout à celui de prophétie»
(1 Co 14, 1), car la prophétie est pour le bien de la communauté;
mais pour cela elle doit être discernée, d'où
la nécessité de l'humilité et de la soumission
les uns aux autres dans la crainte du Christ. (HAUT)
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Un bon
arbre se reconnaît à ses bons fruits.
Pour être
apte à discerner selon l'Esprit Saint, il faut prendre
l'habitude de reconnaître les fruits qui découlent
de l'arbre:
Méfiez-vous
des faux prophètes, qui viennent à vous déguisés
en brebis, mais au-dedans sont des loups rapaces. C'est à
leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Cueille-t-on des
raisins sur des épines? Ou des figues sur des chardons?
Ainsi, tout arbre bon donne de bons fruits, tandis que l'arbre
mauvais donne de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter
de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits
Ainsi donc, c'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez
(Mt 7, 15-20).
Pour reconnaître
l'agir de l'Esprit Saint et le distinguer avec sûreté
de l'agir ténébreux, il faut voir, regarder au-dedans
de son coeur. Si c'est l'agir ténébreux, voici les
fruits qu'il laisse dans l'âme: l'inquiétude, le
trouble; il éloigne de l'humilité, de la paix et
du calme intérieur. Ce mauvais esprit vient mordre l'âme,
l'attrister, dresser des obstacles par de faux raisonnements ou
l'empêcher d'avancer; c'est un signe clair que ces pensées,
ces sentiments ou ces impressions viennent du mauvais esprit,
du mauvais ange. Ainsi reconnaît-on l'agir ténébreux
par ce phénomène d'agitation et de trouble qu'il
provoque dans l'âme. Sinistre agent perturbateur, ses effets
dans l'âme sont comparables à ce qui se produit lorsqu'une
pierre est jetée dans l'eau calme d'un lac.
Les fruits
du bon arbre: quand l'Esprit Saint visite une âme et l'inspire,
il la pousse au courage, lui donne de la force, de la consolation,
des larmes de componction; les inspirations et les paroles viennent
aisément; les obstacles sont écartés, la
paix et la joie s'établissent et s'accentuent dans l'âme.
C'est à ces signes de discernement qu'on reconnaît
l'agir de l'Esprit de Dieu dans une âme, car, dit saint
Paul, «le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix,
longanimité, serviabilité, bonté, confiance
dans les autres, douceur et maîtrise de soi» (Ga 5,
22). «Le fruit de la lumière consiste en toute bonté,
justice et vérité» (Ep 5, 9), dit-il encore.
(HAUT)
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La clé
du discernement: bien vivre la parabole du semeur.
Certes, pour
reconnaître la qualité des fruits que nous portons
en notre coeur, il nous faut vraiment prendre au sérieux
ce que la parabole du semeur nous enseigne ««45»».
Nous pouvons affirmer qu'elle contient la clé du discernement
des esprits puisque travailler à mettre en pratique cette
parabole en nos vies nous conduit véritablement à
entrer dans les mystères de Dieu et de sa Parole. Elle
est un guide sûr pour celui qui a décidé en
son âme et conscience de se convertir chaque jour et de
se rendre attentif à chaque instant à veiller sur
les mouvements de son coeur.
«Si
vous ne comprenez pas cette parabole, comment comprendrez-vous
toutes les paraboles?» (Mc 4, 13). Ainsi, la parabole du
semeur, au témoignage même du Seigneur Jésus,
est la parabole clé non seulement pour comprendre l'Évangile
mais encore pour «le garder» et le mettre en pratique
activement.
Le divin Semeur
répand la Parole de Dieu dans les coeurs. Venu personnellement
dans le monde, il est «la Lumière véritable
qui éclaire tout homme» (Jn 1, 9). Cependant, tout
comme la semence doit tomber dans de la bonne terre pour germer,
croître et porter du fruit, ainsi la Parole de Dieu doit-elle
être accueillie par «des coeurs nobles et généreux
qui la gardent et qui produisent du fruit par leur constance»
(Lc 8, 15). De là la nécessité de ce travail
de la purification du coeur, de la maîtrise des passions
et de la pratique des vertus. Labeur de chaque jour et de toute
une vie pour extirper de son coeur «les roches, les ronces
et les épines», c'est-à-dire le péché
sous toutes ses formes et toute attache désordonnée
aux créatures.
Ceux-là
peuvent s'attribuer cette parole de Jésus: «Mais
vous, heureux vos yeux parce qu'ils voient, et vos oreilles parce
qu'elles entendent
» (Mt 13, 16). Oui, heureux les
coeurs qui voient la lumière du Christ et se laissent illuminer
par elle, les coeurs qui entendent les enseignements du souverain
Maître et qui en vivent, car ils se sont rendus aptes à
recevoir les paroles et les lumières du Saint-Esprit, et
à correspondre à sa mouvance, à sa divine
opération.
"Tout
est possible à celui qui croit" (Mc 9, 23), dit Jésus,
et celui qui croit fera des oeuvres plus grandes que celles qu'il
a faites ««46»». Lui
le Fils de Dieu, le Verbe de vie, nous a donné l'exemple
afin que nous fassions de même. Il n'a pas mis de restrictions
concernant ses paroles et l'exemple de sa vie. C'est pourquoi
nous devons croire que si nous le suivons, si nous l'imitons,
si nous lui faisons confiance, nous aurons la lumière de
la vie. Donc, rien à craindre des ténèbres!
C'est Jésus lui-même qui nous invite à le
suivre: «Venez à moi! Venez à ma suite!»
(Mt 11, 28; 4, 19) Il sera lui-même la lampe de nos pas
sur le chemin ««47»»
qui mène à la plénitude de la vie: «Je
suis la lumière du monde; qui me suit ne marchera pas dans
les ténèbres, mais il aura la lumière de
la vie» (Jn 8, 12). (HAUT)
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«Cessez
de juger sur les apparences. Jugez avec équité.»
Bien que Jésus
soit notre modèle et qu'il nous invite à croire
à sa Parole, certains se plaisent malheureusement à
penser et à dire que nous n'avons pas le droit de juger,
suivant cette parole de saint Matthieu: «Ne jugez pas, pour
n'être pas jugés; car, du jugement dont vous jugez,
on vous jugera, et de la mesure dont vous mesurez, on usera pour
vous» (Mt 7, 1-2).
Cependant,
en saint Jean, on voit Jésus durant une altercation avec
les Juifs de son époque, qui ose leur rendre ce jugement,
ce discernement en proclamant: «Cessez de juger sur les
apparences. Jugez avec équité» (Jn 7, 24).
Faut-il juger
ou ne pas juger? Notre Seigneur Jésus Christ, lui la Parole
vivante, ne peut se contredire. Il est la Voie, la Vérité,
la Vie qui conduit au Père et qui exprime à travers
sa vie et ses paroles la Pensée du Père. Quand Jésus
nous interdit de juger, il s'agit du jugement «sur les apparences»;
et quand il nous commande de juger, il s'agit du jugement «avec
équité», du jugement selon la justice de Dieu.
Et quand Jésus dit: «Ne jugez pas» en saint
Matthieu, c'est pour mieux expliquer tout de suite après
qu'on ne doit pas juger avec «une poutre dans l'oeil»,
c'est-à-dire avec le jugement enténébré
par le péché, les attaches, les convoitises, l'esprit
de ce monde! Jésus est catégorique, cinglant même:
«Hypocrite! dit-il, enlève d'abord la poutre de ton
oeil, et alors tu verras clair»
tu verras clair pour
porter des jugements selon Dieu, pour juger avec équité.
L'homme charnel,
l'homme «psychique», n'est pas apte à rendre
un jugement selon l'Esprit de Dieu. Mais l'homme spirituel, celui
qui travaille à sa conversion, c'est-à-dire à
extirper «la poutre» de l'oeil de son coeur et à
garder son coeur pur, celui-là est apte à juger
avec équité ««48»»,
car la lumière de Dieu l'habite et l'illumine.
Sur ce, l'épisode
de la guérison d'un aveugle-né ««49»»
est instructif. Après que Jésus eut rencontré
l'aveugle-né guéri et lui avoir posé cette
question: «Crois-tu au Fils de l'homme?», celui-ci
répondit: «Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie
en lui?» Jésus lui dit: «Tu le vois; c'est
lui qui te parle.» Il crut en lui et se prosterna la face
contre terre. Devant cette démarche de l'aveugle-né
plein de reconnaissance, Jésus proclame cette parole merveilleuse
de vérité: «C'est pour un jugement (un discernement)
que je suis venu en ce monde: pour que voient ceux qui ne voient
pas et pour que ceux qui voient deviennent aveugles».
Des Pharisiens
présents lui dirent: «Sommes-nous des aveugles, nous
aussi?» Jésus, de leur répondre: «Si
vous étiez des aveugles, vous seriez sans péché;
mais vous dites: "Nous voyons!" Votre péché
demeure».
Jésus
vient, par ces paroles, nous montrer que les suffisants s'appuyant
sur leurs propres lumières ne se rendent pas compte qu'ils
sont aveugles et ils croient cependant voir. Le péché
de suffisance les empêche de discerner parce qu'ils jugent
selon la chair et sont remplis de prétention.
Face à
cette réplique de notre Seigneur, nous pouvons mieux saisir
cette réflexion que Jésus a faite lors de l'explication
de la parabole de la semence en citant le prophète Isaïe:
Vous
aurez beau entendre, vous ne comprendrez pas; vous aurez beau
voir (dire que vous n'êtes pas aveugles, que vous discernez),
vous n'apercevrez pas (vous serez incapables de discerner
le sens, de saisir, de découvrir, de prendre connaissance).
C'est que l'esprit de ce peuple s'est épaissi; ils se
sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux,
de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n'entendent,
que leur esprit ne comprenne, qu'ils ne se convertissent et
que je ne les guérisse (Mt 13, 14-15; Is 6, 9-10).
L'Esprit de
Dieu nous donne deux exigences à respecter pour exercer
avec équité le discernement des esprits. La première:
«Enlève la poutre de ton oeil si tu veux voir clair
pour enlever la paille dans l'oeil de ton frère»
(Mt 7, 5). Et la seconde: «Prenez garde à la manière
dont vous écoutez» (Lc 8, 18), conclusion de l'explication
de la parabole du semeur. Ces deux consignes sont nécessaires
et fondamentales pour juger selon l'Esprit.
Toujours en
rapport avec le «juger», avec le discernement des
esprits, nous voyons Jésus, en saint Jean, se rendre témoignage
devant les Pharisiens qui le jugent et le méprisent, et
il leur lance ces paroles cinglantes: «Vous, vous jugez
selon la chair; moi, je ne juge personne (selon la chair);
ou, s'il m'arrive de juger, moi, mon jugement est valable parce
que je ne suis pas seul; il y a moi et celui qui m'a envoyé»
(Jn 8, 15-16).
Le vrai serviteur
de Dieu, le consacré, suit Jésus de près.
Il s'efforce de ne faire qu'un avec lui, et avec le Père
et le Saint-Esprit. Par son identification à Jésus
et à Jésus crucifié, il devient un homme
spirituel qui ne juge pas sur les apparences. Ainsi, saint Paul
ose dire sous la mouvance du Saint-Esprit:
Or,
nous n'avons pas reçu, nous, l'esprit du monde, mais
l'Esprit qui vient de Dieu, afin de connaître les dons
que Dieu nous a faits
L'homme psychique n'accueille pas
ce qui est de l'Esprit de Dieu: c'est folie pour lui et il ne
peut le connaître (le discerner), car c'est par
l'Esprit Saint qu'on en juge. L'homme spirituel, au contraire,
juge de tout et ne relève du jugement de personne
Et nous l'avons, nous, la Pensée du Christ (1 Co 2, 12-16).
L'homme spirituel
s'efforce de conserver en son coeur la Parole de Dieu; et l'habitude
de la mettre en pratique permet qu'il vive en la présence
de Dieu de manière constante et continuelle. Dès
lors il peut très bien s'attribuer cette parole de Jésus:
«Le Père est toujours avec moi parce que je fais
toujours ce qui lui plaît» (Jn 8, 29; cf. 14, 23).
Il devient apte à juger, à discerner selon Dieu,
à agir et à parler dans la charité du Christ,
non pour condamner mais pour ramener dans la voie du Christ les
égarés.
Par contre,
quand une âme hésite sans cesse dans ses jugements
et demeure longtemps dans le doute sans aucune certitude, c'est
le signe manifeste qu'elle n'est pas illuminée d'en haut
et qu'elle aime toujours la gloire humaine. (HAUT)
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Progresser
sans cesse dans l'humilité et l'esprit de pauvreté.
La
source du discernement, c'est l'humilité ««50»»,
affirme saint Jean Climaque. L'humilité est une
grâce ineffable dans l'âme, dont le nom n'est connu
que de ceux qui l'ont appris par expérience. C'est une
richesse indicible, un nom de Dieu lui-même et un don
venant de lui, car il est dit: «Apprenez, non d'un ange,
ni d'un homme, mais de moi,» c'est-à-dire de moi
demeurant en vous, de mon illumination et de mon opération
en vous, «que je suis doux et humble de coeur»,
et de pensées, et d'esprit, «et vous trouverez
pour vos âmes l'apaisement des combats et le soulagement
des pensées» (cf. Mt 11, 29)
««51»».
Quiconque
cherche réellement à plaire au Seigneur dans la
vérité d'un coeur droit et sincère réalise
la nécessité de juger de toute chose selon l'Esprit.
C'est en s'attachant à l'esprit de pauvreté et en
se dépouillant d'elle-même que l'âme grandira
dans une charité toujours plus parfaite et une pureté
de coeur, de corps et d'esprit qui lui donnera de parvenir à
bien discerner sans se tromper ou se faire tromper. Aussi, pouvons-nous
affirmer avec certitude que plus l'âme progresse dans l'humilité,
plus le don de discernement s'enracine et s'établit durablement
en elle.
Ce don lui
donnera avec une vive lumière de reconnaître, infailliblement,
avec une perception certaine, l'agir de l'Esprit Saint en elle
ainsi que la connaissance de la volonté de Dieu en toute
occasion, en tout lieu et en toute circonstance. Il en sera de
même pour reconnaître tout autre esprit qui voudrait
se manifester, qu'il s'agisse de l'esprit humain ou de l'esprit
des ténèbres.
La Parole
de Dieu elle-même nous confirme qu'en la Sagesse incarnée,
Jésus Christ, réside
un
esprit intelligent, saint, unique, subtil, agile, pénétrant,
sans souillure, clair, impassible, ami du bien, acéré,
bienfaisant, ami des humains, constant, ferme, sans souci, qui
peut tout, surveille tout, pénètre tous les esprits,
les intelligents, les purs, les plus subtils... Cette Sagesse
traverse et pénètre tout grâce à
sa pureté
Elle se répand au long des âges
dans les âmes saintes, elle en fait des amis de Dieu et
des prophètes; car Dieu n'aime que celui qui vit avec
la Sagesse (Sg 7, 22-28).
N'ayons pas
peur! Tendons à la sainteté et suivons le Christ,
il est vraiment la lumière du monde, en lui point de ténèbres.
Que l'Esprit
Saint accorde en abondance ce grand don merveilleux et précieux
du discernement des esprits à tous ceux qui veulent livrer
le vrai combat de la foi et s'acheminer vers une vraie conversion
du coeur chaque jour, afin qu'ensemble nous puissions travailler
efficacement à construire le Corps du Christ qu'est l'Église
et à établir le règne de Jésus Christ
dans tous les coeurs. (HAUT)
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F. Jacques Roy, berger
Les Pauvres
de Saint-François
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